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Domaine français Les sillons du temps

mai 2012 | Le Matricule des Anges n°133 | par Richard Blin

En évoquant, à travers la voix d’une sorte de double, ce que fut la société agraire traditionnelle, Jean-Loup Trassard ressuscite l’intime paysan.

Poursuivant son combat pour ralentir l’oubli et sauver un peu de la mémoire agricole, Jean-Loup Trassard nous livre aujourd’hui les souvenirs d’un homme dont la vie fut vouée à la terre. Ce sont ceux d’un cultivateur qui a cédé la ferme à son fils depuis plusieurs années et qui évoque les petits travaux qui l’occupent encore, parmi lesquels l’entretien des haies. Des travaux qui n’ont rien à voir avec la rudesse de ceux d’autrefois, dont il se souvient, et qui étaient ceux d’une ferme d’avant les tracteurs, les machines, le remembrement et la défiguration du paysage.
Nous sommes dans le bocage mayennais où J.-L. Trassard est né, en 1935, où il a grandi avant de suivre des études de droit, de s’intéresser à l’ethnologie puis à la préhistoire et enfin à l’écriture. Les travaux agricoles, il connaît, lui qui fut éleveur, à l’ancienne, et pendant trente-cinq ans, de vaches Maine-Anjou. La vie rurale d’antan, ses arts et ses techniques, son savoir-faire et son savoir-vivre, sa sagesse et sa force, il n’a de cesse de lui rendre hommage, avec ferveur, humilité et souvent émotion. Mais il le fait sans nostalgie déplacée, comme ici, où il fait parler une sorte de double de lui-même, et d’archétype de ces paysans qu’il a longuement côtoyés.
Regard rétrospectif donc, sur un temps révolu, une forme de civilisation qui aura duré des siècles. Un monde dont le silence est l’essence, le travail de la terre, les soins des champs, des bêtes et des arbres, la raison d’être. Lire L’Homme des haies, c’est se couler dans la parlure mayennaise, ses tournures linguistiques, son débit, ses inflexions. C’est, porté par la scansion de l’oralité et par le phrasé de la confidence – « Voilà, je crois que j’ai tout dit. Plus que je n’aurais dû peut-être bien. En tout cas ce que je n’avais jamais dit à personne. » –, c’est entrer dans un temps autre, se retrouver au cœur même de ce qui rythmait la vie d’une ferme. Le travail qui presse, les chevaux – leur conduite, leur reproduction –, les labours, les semailles, les foins, la moisson, les vaches qui gonflent en pâturant, les gestes qui faisaient le quotidien. Un ensemble de savoirs reçus, de manières héritées de dire et de faire dont les artisans étaient aussi les dépositaires : le bourrelier, le maréchal, le charron, le cordonnier… L’occasion aussi de rendre hommage aux outils, et à ceux qui les maniaient. Un outil, c’est la main et la chose s’épousant en une sorte de bonheur d’être et d’agir. D’où l’importance du choix du bois du manche et de la qualité de l’emmanchement.
Serpe, faucille et fourchette – en bois, elle sert à écarter ou à tenir ce que la faucille, ou la serpe, va couper, « elle présente, on pourrait dire » – sont les outils indispensables au barbeyage, à l’entretien des haies qui est l’une des quelques tâches dont notre homme est encore capable et que son fils lui laisse encore faire. Un travail qu’il aime comme il aime ramasser les châtaignes et les manger « bouillies, égrenées dans du lait chaud ». Comme il aimait labourer avec les chevaux, s’occuper des barrières, voir ferrer une roue à la forge. Une vie laborieuse, un mélange de peines et de paradis. Un livre riche en anecdotes, en conseils – de l’art de la greffe à celui de faire du bon cidre – et en détails parfois intéressants comme de savoir que lorsqu’en plein travail, un besoin urgent se faisait sentir, – rien ne valait la feuille qui était celle du tilleul, « ah oui, elle est souple, douce, quoi ». Tout un terreau de sensations où s’enracine une poétique de la terre ici vivifiée par les mots d’un patois qui, loin d’être un « causement » défectueux, fait partie de l’héritage transmis par ceux qui les premiers s’installèrent sur ces terres. Une émouvante leçon d’abnégation et d’ingéniosité, d’attention aussi au réel élémentaire et à l’art de s’accorder à la mesure des choses.

Richard Blin

L’homme des haies
Jean-Loup Trassard
Gallimard, 256 pages, 17,50

Les sillons du temps Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°133 , mai 2012.
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