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Domaine français Monde sans oiseaux

novembre 2013 | Le Matricule des Anges n°148 | par Virginie Mailles Viard

Monde sans oiseaux

C’est dans un village quasiment immergé au milieu d’un lac que naît Petite Boîte d’Os. Un monde sur lequel le Déluge s’est abattu. L’eau y est donc un personnage à part entière, y pataugent des cochons fluorescents et amphibies, génétiquement modifiés, devenus le repas et la source de revenus des habitants. À part ça, et quelques lapins verts, la vie s’écoule pour le personnage principal, dont la mémoire est à l’image de ce lac : Petite Boîte d’Os retient tout ce qui lui arrive. Elle raconte son existence au pas de charge, de sa naissance à sa vieillesse végétative. Sur les trottoirs faits de planches, défilent le père pasteur, la mère hallucinée, le frère tortionnaire, l’amie Blanche, et l’amour en la personne inattendue de Jeff. Le vieux Joseph, planteur d‘arbres, est l’élément terrestre, et l’initiateur qui ouvrira à Petite Boîte d’Os la peau fine du lac, ce cimetière aquatique où finissent les morts lestés dans leurs cercueils. Jeff porte la mémoire d’un monde qu’elle n’a pas connu : celui d’animaux qui « glissaient dans l’air, à plat ventre, sans tomber, et leurs cris étaient très variés. (…) On les appelait les « oiseaux » ». Ces deux êtres à part vont s’aimer passionnément, adopter Rosie, un cochon, tenter d’élever des moutons, vivre autrement. « Mon destin se dessine au-dessus de l’eau plate, planche après planche, pas après pas : mariage, enfants, promenade, vaisselle… et je n’en veux pas. »
Petite Boîte d’Os regarde et vit les choses pleinement : la mort de la petite fille de Blanche, la souffrance du frère amputé, la douce folie de sa mère. De ce rapport brut à l’existence – « Combien de printemps ai-je vécu déjà ? » – naît une écriture sensuelle, et très poétique. Karin Serres, auteur de théâtre pour enfants, écrit là un premier roman qui file et dans le même mouvement nous retient dans sa bulle hors du temps.

Virginie Mailles Viard

Monde sans oiseaux
de Karin Serres
Stock, « La Forêt », 110 pages, 12,50

Le Matricule des Anges n°148 , novembre 2013.
LMDA papier n°148
6,50 
LMDA PDF n°148
4,00