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Domaine français Derniers printemps

février 2014 | Le Matricule des Anges n°150 | par Valérie Nigdélian

Le temps de l’enfance qui s’achève, les promesses
et les menaces de la vie d’adulte, et la langue
mystérieuse d’Élie Treese.

Les Anges à part

On y entre comme dans un rêve – sans prévenir. Les images y ont la même énigmatique clarté, la même évidence – indiscutable – et simultanément la même irréalité. Il y a pourtant quelque chose de très terrien dans ce deuxième roman d’Élie Treese, auteur du remarqué Ni ce qu’ils espèrent, ni ce qu’ils croient (Allia, 2012). Dans une époque incertaine (sans doute les années 1980, pourtant encore empreintes du souvenir de la guerre et des « Boches »), dans un lieu indéterminé (un petit village resserré autour de son clocher), une bande de gosses arpente la campagne. Ils ont 10 ans, 12 ans peut-être : Franck, La Buse, les Jumeaux, et Carabi, le nouveau, débarqué dans ce coin perdu comme un ange tombé du ciel, « vir(é) du paradis, avec (s)a bon dieu de chemise blanche ». Une meute de jeunes chiens, les yeux tournés vers le ciel et les pieds dans la boue, pressés de grandir et de devenir des hommes, des vrais – jouant aux durs, clope au bec et jurons plein la bouche : « putain de chier de merde, on aura notre temps nous aussi, tu peux en être certain ». Mais rageusement décidés à ne pas devenir comme « eux » – la Vieille, Gros-Cul, la Marthe… autant d’adultes « qui sont là comme des foutus corbeaux, à vérifier simplement que tu ne t’écartes pas de la ligne qui va de l’école au cimetière ». Les voici donc « prince(s) éphémère(s)  » d’un royaume voué à disparaître – celui de « la jeunesse du monde ». Le récit les saisit à ce moment précis du sortir de l’enfance, ce paradis originel dont ils rêvent d’être chassés, avant que cet âge des possibles ne s’abîme en une voie unique – toute tracée. En attendant, que faire, sinon lézarder au soleil ou se perdre dans les champs de maïs, jouer aux chefs de bande ou chourrer des cigarettes et des bières…
À la périphérie de cette vacance généralisée, il y a aussi « la belle Oiseuse », ses silences et ses sourires, ses seins comme « deux outres folles » – la douceur d’une chatte endormie au soleil, son rire « comme un vent doux et frais ». Fée ou sorcière, elle incarne une figure féminine totalement idéalisée – presque irréelle – par où s’avance, enfin à découvert, le désir. Et c’est comme un éblouissement – pur, évident – dans lequel les mots n’ont que peu à dire. Dans ce monde de couleurs, de senteurs, de lumières, tout passe par les sens – circuit direct, du dehors au dedans. Et Treese d’écrire cet éblouissement primordial – lorsque tout est vu et perçu comme pour la première fois, jusqu’à « se perdre dans l’éclat des choses, comme une forme vague, sans vigueur ni consistance ».
Dans cette forme simple – presque du conte –, le personnage principal est la nature, littéralement vivante (le ciel qui s’ouvre, les cannes qui plient, l’herbe qui s’étire au loin), les éléments (« la vapeur des forêts », « le vent tiède qui passait et repassait lentement dans les mèches des enfants »), le soleil – dont on suit la course tout au long du récit.
Peu de choses à se mettre sous la dent sur un plan strictement narratif, mais Les Anges à part n’est pas un roman : réduit à une trame très mince, sans psychologie, semé de métaphores déconcertantes, ce récit est une élégie, une ode à la jeunesse perdue – comme du corps difforme et endormi de Gros-Cul s’échappent quelques bribes des Élégies de Duino –, servie par des dialogues incroyables qui ajoutent encore à l’étrangeté du tableau. Totalement intégrés à la phrase, sans rupture typographique entre narration et discours, ils s’imposent comme un prolongement minéral des personnages, mais récusent néanmoins tout réalisme : entre deux injures, quel enfant pourrait parler de la sorte, comme un philosophe antique, comme un poète ? Comment ce qui aurait dû être éreinté par l’artifice, le maniérisme, porte au contraire le texte à son point de plus haute intensité ? C’est la poésie ? « De la poésie, ouais. De la foutue poésie d’athlète. »


Valérie Nigdélian-Fabre

Les Anges à part
Élie Treese
Rivages, 144 pages, 13,50

Derniers printemps Par Valérie Nigdélian
Le Matricule des Anges n°150 , février 2014.
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