La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Poésie Détours des cendres

juin 2015 | Le Matricule des Anges n°164 | par Christine Plantec

Manhattan Espace buccal, premier livre traduit de Thomas Kling, interroge une langue possible face à l’Histoire.

Manhattan espace buccal

En 1996, Thomas Kling effectue son unique voyage à New York. Poète influent de l’Allemagne réunifiée (tôt disparu, à 47 ans), il a largement contribué au renouveau de la poésie allemande des années 1990-2000. Ses lectures publiques s’apparentent à des performances où l’écriture se détraque, maltraite la syntaxe, la ponctuation, y intègre l’oral et l’argot. C’est dans cette perspective qu’il est invité dans le Lower East side (New York) à participer à un festival de slam portoricain pour y lire ses « installations poétiques » comme il se plaît lui-même à nommer ses poèmes. De retour en Allemagne, il écrit Manhattan Espace buccal. En 2002, Manhattan Espace buccal deux paraît. Six ans se sont écoulés entre les deux textes. Entre-temps, le monde a vécu, en direct, l’effondrement des Twin Towers. Ce second cycle consacré à Manhattan est écrit dans la quasi-immédiateté du 11-Septembre 2001.
Dans la postface, le traducteur précise que Manhattan Espace buccal représente un tournant dans le parcours du poète underground de Cologne. Le cycle en diptyque propose, en effet, une langue probablement moins expérimentale que ce que Kling écrivait jusqu’à lors. Et bien que de factures très différentes, les deux états du poème de 1996 et de 2002, ont en commun la puissance des images, des sensations : la ville ne se raconte pas, elle se vit dans l’instant de son jaillissement et de sa multitude.
Le Manhattan de 1996 est un espace insulaire, une « gueule béante » dont le sabir multilingue retient l’attention du poète et fait ricochet puisqu’il convoque le souvenir d’autres langues encore, celles de Melville, de Dos Passos, Maïakovski, Lorca comme autant de sédiments qui remontent à la surface : « la ville est l’espace / buccal. la langue, textus ; langue citadine du granit : / texte fondu et / recomposé ». Si écrire, c’est nécessairement ré-écrire – « par l’opération du grattoir / le palimpseste est poncé » – faire l’expérience d’une ville mythique suppose d’en accepter toutes les résurgences littéraires. C’est ainsi que Kling entre en contact avec Manhattan. Il se laisse glisser vers ce qu’il connaît déjà de ce monstre urbain qui concentre en son ventre « ces éloignés des regards », les déclassés, les junkies… La ville d’où « un peu d’eau, une infime quantité coule / de la valve, bout aussitôt, s’évapore et s’échappe / dans l’air : textus. » est une cavité inquiétante et magnétique – une « hyppocrène ? » interroge Kling comme si Manhattan était semblable à cette source antique devenue, au fil du temps, le lieu emblématique de la création artistique… Une ville monde dont le poète s’approche avec méthode puisqu’il y est question de « slow motion » (ralenti), de « coupes », « de plan rapproché », de « zoom avant rapide » comme si on pouvait, à l’envi, varier les plans sur elle, lui conférer un cadre.
Manhattan Espace buccal Deux est tout autre. La forme du poème y est fragmentaire, éclatée. Le motif de l’œil – « des yeux, oui ! », « vous, yeux malheureux » – y est permanent : plus de cadrage, ici, plus de distance. C’est le temps de la sidération : « dedans, dans ces langues, celles / des témoins de manhattan. Tout / revient en boucle tout est comme / de première main ». Le temps de l’aveuglement et du mutisme, aussi « pas / question de parler. zéro/ visibilité, avions zéro visibilité ». Le poème se fait élégie mais cette plainte est chorale, « et nous étions installés dans l’air / nous sur une île / rassemblés / et seuls ». L’humanité, en proie à une indicible douleur, est un chant des morts qui convoque d’autres images, d’autres visions (les camps, Hiroshima) que l’Histoire figure dans un mouvement d’éternel retour.

Christine Plantec

Manhattan Espace buccal
Thomas Kling
Traduit de l’allemand et postfacé par Aurélien Galateau
Édition bilingue
Introduction de François Heusbourg
Unes, 63 pages, 16

Détours des cendres Par Christine Plantec
Le Matricule des Anges n°164 , juin 2015.
LMDA papier n°164
6,50 
LMDA PDF n°164
4,00