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Poésie Retour au pays lointain

mai 2024 | Le Matricule des Anges n°253 | par Emmanuelle Rodrigues

Anthony Phelps nous révèle la geste mémorable de son île, tout autant que son chant de résistance. Un verbe d’une grande modernité.

Voix majeure de la littérature haïtienne, Anthony Phelps est l’auteur d’un poème, intitulé Mon Pays que voici, qui aura circulé de manière illicite durant la dictature imposant à ce pays une terrible censure. L’écrivain le rappelle lui-même : « L’atmosphère de terreur nous a forcés, en quelque sorte, à nous rapprocher de plus en plus de l’essence même de la poésie. » Ici, le lyrisme l’emporte, la beauté de la langue d’Anthony Phelps n’est pas sans faire écho à celle d’autres auteurs. Comparable au Cahier d’un retour au pays natal qu’Aimé Césaire écrit dans les années 1930, Mon Pays que voici témoigne dès sa première publication en 1968 d’un tournant de l’histoire littéraire des Caraïbes. Arraché à la terre qui l’a vu naître, celui qui parle alors ne se résigne pourtant pas à demeurer un exilé. Il entend au contraire user du pouvoir d’évocation de sa parole pour énoncer de quelle manière irrévocable il demeure lié au « Pays lointain ». Et c’est bien toute la portée de ce livre que de faire résonner le dialogue de l’écrivain avec ce qui désormais représente non seulement l’espace géographique et historique, mais aussi mental et poétique que son chant désigne de toute sa plénitude.
Né en 1928, Anthony Phelps participe au début des années 1960 au groupe Samba qui devient ensuite Haïti littéraire. Après l’instauration de la dictature de François Duvalier en 1957, l’auteur sera comme tant d’autres poursuivi et emprisonné. Son exil à Montréal durant lequel il devient journaliste et homme de radio, l’éloigne donc d’Haïti, de manière quasi définitive. Mon Pays que voici étonne par la manière dont justement l’exil y est évoqué. Il s’agit bien d’en restituer explicitement l’expérience comme fondatrice de la parole poétique. C’est du lieu même où il a trouvé refuge que la réminiscence s’engage et prend corps et chair. Mais surtout, l’élan du verbe est celui-là même qui porte à espérer. Ainsi, dès le commencement de cet ensemble de huit cents vers, peut-on lire l’éclat incantatoire de mots réitérés tel des leitmotivs : « L’été s’achève / de quelle couleur est la saison nouvelle / sinon d’espoir ». Aussi bien le manque de la terre natale appelle-t-il sa nécessaire cohésion. Car, la voix qui doit parler, s’élève d’une nuit qu’il faudra éclairer, libérant une force créatrice que selon Jean-Richard Laforest « la fabuleuse déhiscence de ces vers » traduit.
Tel un conteur, l’écrivain entreprend de narrer la longue histoire haïtienne, relatant la présence amérindienne bien antérieure à l’arrivée des colonisateurs espagnol et français, instigateurs de la Traite des Noirs, jusqu’à la fondation de la République d’Haïti en 1804, puis de son occupation par ceux qu’il désigne comme les Yankees. Cette envoûtante épopée, ainsi que Louis-Philippe Dalembert l’indique dans sa postface, nous saisit par son souffle et sa maîtrise. Sans nulle nostalgie, une sorte d’anabase, au cœur même de l’île, remontée tellurique et néanmoins mythique, se déploie : « et je remonte lentement ô mon Pays / le lit de ton Histoire ». Cette navigation doit conduire à découvrir « la route lumineuse / menant tout droit vers les paysages de l’homme. » Mais c’est là encore une « lente marche dans les ténèbres / car c’est le règne des vaisseaux de mort ». Pourtant, cette terre d’esclavage et de tant de convoitise n’en est pas moins une porteuse de saisons nouvelles. Ainsi, l’écrivain en appelle-t-il au sursaut, celui de « l’Homme de vigie », et à « la chaux vive du verbe derrière (sa) bouche close ».
Quasi d’un ton prophétique, Anthony Phelps écrit enfin : « Je viens sur la musique de mes mots / sur l’aile du poème et les quatorze pieds du vers : enseigner une nouvelle partition ».

Emmanuelle Rodrigues

Mon Pays que voici,
Anthony Phelps
Postface de Louis-Philippe Dalembert
Éditions Bruno Doucey, 144 pages, 7,90

Retour au pays lointain Par Emmanuelle Rodrigues
Le Matricule des Anges n°253 , mai 2024.
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