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Poésie Dans les entrailles du féminin

mai 2024 | Le Matricule des Anges n°253 | par Richard Blin

De la maternité aux outrances du pornographique, Rim Battal donne voix aux vertus de l’osmose comme à celles de la transgression.

Elle persiste et signe, Rim Battal, dans la passion d’être soi, dans la volonté de ne céder jamais sur son désir ni sur sa liberté, dans son rêve de faire du poème une convocation de l’inouï. En sécession avec les codes régnants du « sexopolitique », elle fait de l’interaction complexe entre le corps, le moi, le social et les mots, la substance d’une parole poétique imprégnée de beauté ténébreuse, d’intimité brûlante et d’instants nus aux prises avec le secret de la sexualité.
Elle le démontre encore dans ses deux nouveaux recueils. L’Eau du bain, d’abord, dans lequel elle questionne la figure de la mère et où elle évoque la maternité à partir de sa propre expérience de l’incarnation. « On dit toujours donner la vie mais donner corps serait plus juste. » Au fil d’une écriture dénudée et intime, elle entrecroise remarques et réflexions sur la grossesse, l’accouchement et le corps post-partum, avec les problèmes que posent la relation mère-fille et les généalogies féminines. « Observer dans les traits de ma fille ceux de ma mère qui s’imposent à mesure des mois comme si la vie jouait à saute-mouton au-dessus de mon dos », c’est, écrit Rim Battal, se savoir « dans un entre-deux d’où l’on ne sort que par la résignation ». Et de se souvenir du combat qu’elle dut mener pour se libérer de l’emprise de sa mère. « À vingt ans je décidai de changer de vie. / De ne plus être que très peu toi, le moins possible. » Une lutte contre le poids du matriarcal, l’aliénation par la maternité et la conjugalité, et pour le droit d’aller vers l’inconnu, d’oser ce que l’on n’ose pas, quitte à le payer chair car c’est le même corps qui fait l’amour et qui fait des enfants. « Il n’y a pas plus putain que La mère et plus mère que La putain. »
Dans x et excès, l’autre recueil, éclate la véhémence audacieuse de l’écriture de Rim Battal. En des poèmes totalement libérés du contrôle de la forme, elle dévisage autant qu’elle interroge l’imagerie pornographique à l’ère du numérique. Sexualité devenue brutale et frontale, la pornographie, si elle produit des effets de déstabilisation du regard comme peut le faire l’œuvre d’art, est avant tout la mise en spectacle du refoulé de tous les spectacles, une succession d’actes décrits sans intrigue, où tout s’ordonne autour d’une demande d’orifices. Les acteurs ne font pas l’amour, ils font ce que l’on attend d’eux, des performances de professionnels exécutant des exercices imposés. Ils jouent la jouissance au lieu de jouir de l’amour. Face à l’évidence du montré, démontré, exposé, exhibé, Battal regarde, ferme les yeux, les rouvre, se concentre, se décentre, sidérée et/ou excitée. « Je mange l’actrice, je mange son cul, je mange ses yeux, je mange sa vie, je joue sa vie. » Attraction, répulsion, ce qu’elle voit, souvent, lui déplaît et pourtant elle reste. « Je souris / je rougis / je mouille : je me mouille // je mets la main à la pâte / je me compromets (…) // fascinée par la diversité du vivant / par sa violence ».
Voir, participer – « Je nous applaudis » – mais jusqu’où ? tant on retrouve dans le porno tous les mécanismes de domination et de subordination liés aux enjeux de pouvoir. Le corps pornographié est un corps instrumentalisé, qui en vaut un autre (c’est-à-dire rien), s’échange, devient taillable et corvéable à merci autant qu’abruti de performance et de rendement : la pornographie comme extension du domaine de l’économie. En désorbitant la sexualité de la vie ordinaire, le porno s’attaque à l’imaginaire du désir, au territoire intime de l’ombre et de l’opaque, réduit le corps à un objet de pouvoir, nie tout ce que ce dernier peut recéler d’humanité, d’inquiétude et de secret, modifiant ainsi notre rapport à l’autre, à l’amour et au désir.
Dans une seconde partie, De rien bébé, Rim Battal se met en scène dans une lettre féroce à sa mère – une manière de clore le cycle ouvert avec L’Eau du bain – avant de témoigner de la façon dont l’érotisme, le libertinage et la pornographie peuvent s’entrelacer dans la quête amoureuse, nous entraîner au-delà de nous-mêmes, tout en nous donnant la mesure et la démesure de notre liberté. Elle le fait avec une lucidité qui n’interprète pas le réel mais interroge le cheminement qui l’a menée de la passion de l’excès à une certaine forme de sagesse. « J’ai mué mille fois jusqu’à toi / j’ai rampé depuis ma caverne / où j’ai failli vivre peinarde. Désormais / je suis au-delà de l’aveuglement : je suis moi, / pas amputée, pas amoindrie, forte comme mille, (…) // J’ai dit “merci Cupidon” / Il a dit “de rien bébé”.  »

Richard Blin

Rim Battal
L’Eau du bain,
Préface de Judith Duportail
Castor astral, 120 p., 9,90
et x et excès,
Castor astral, 104 p., 14

Dans les entrailles du féminin Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°253 , mai 2024.
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