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Domaine français Archéologie des feux

juillet 2015 | Le Matricule des Anges n°165 | par Richard Blin

Entre confidence et empathie, Jean-Loup Trassard nous rend sensible le monde perdu des artisans de l’univers rural.

Auteur d’une œuvre pour le moins originale dans le paysage littéraire contemporain – elle marie formes verbales et formes visuelles : récits, romans, relevés de témoignage, photographies, livres illustrés –, Jean-Loup Trassard a mis la terre et le temps au cœur même de son écriture. Poète de la mémoire rurale, de ses traditions, de ses pratiques, de sa langue et de ses métiers, il a fait de la campagne mayennaise, et plus spécialement de son canton mayennais, le centre matriciel de son œuvre, un peu comme Faulkner a fait du « petit timbre poste » de son pays natal, le centre de la sienne. Témoin du crépuscule de la civilisation rurale, il a entrepris depuis longtemps – depuis Inventaire des outils à mains dans une ferme (1981) jusqu’à Conversation avec le taupier (2007, tous deux au Temps qu’il fait) – de se faire le passeur de ce monde désormais mort. D’où ses livres-hommages aux artisans incontournables de l’ère des petites exploitations agricoles, à ces hommes – détenteurs d’un savoir théorique et pratique souvent singulier et typique – qu’étaient le sabotier, le taupier, le journalier, le chasseur ou le forgeron.
Neige sur la forge a pour objet de nous dire comment c’était une forge de village. De nous donner à voir ce qu’était la vie d’un forgeron. Celle d’Alexandre Houssais qui, après avoir été initié au métier dix ans durant – apprenti puis commis – s’installa dans sa propre forge en 1928, pour y exercer pendant quarante-cinq ans. On le voit au travail, dès 5 heures du matin, été comme hiver, dans sa « boutique » comme il appelait son atelier, tirant le soufflet pour attiser le feu, serrant fort d’une main la pince tenant le fer rouge que son autre bras martèle. Le « théâtre de ce combat » entre fer et feu, Jean-Loup Trassard le rend vivant.
Pour le forgeron, la forge c’est le feu tandis que le véritable cœur de l’atelier, c’est l’enclume, celle qu’on entendait sonner, à l’époque, dans tous les villages. « Bing, bang, bing, bang, je voudrais que vous vous mettiez bien en tête les coups sur l’enclume », ceux d’un marteau de quatre ou cinq kilos, tenu à deux mains et venant battre le fer que le patron présente à la frappe de son commis « bing, bang, bing, bang ». Battre les socs de brabant, « raceler » une hache, préparer le cerclage en fer des roues d’un tombereau, forger les fers à cheval – jusqu’à 4000 pour l’année –, mais aussi les poser. Car le maréchal-ferrant qu’est le forgeron, n’affronte pas que le feu. Il s’attaque aussi à la corne des pieds des chevaux, redressant quand il le faut, en jouant sur l’épaisseur du fer, la marche du cheval. On le sollicite également pour guérir « le lampas » – il le grille au fer rouge – une tumeur qui vient au palais des chevaux et les gêne pour manger –, ou pour couper la queue des juments.
Des activités que l’écriture évocatrice de Jean-Loup Trassard rend sensibles. Nous installant dans les gestes, les sons, les odeurs du travail, il rend le lecteur quasi complice de ce qui se passe. On n’est pas spectateur, on est pour ainsi dire partie prenante de l’action tant son écriture sans surplomb, nous transmet la beauté du geste, cherche l’expression la plus juste, la plus apte à traduire la sensation, voire les sentiments éprouvés par l’artisan ou son commanditaire. Une écriture qui est le fruit d’une attention totale, pleine de respect et d’émotion, qui doit tout à un regard affairé, soucieux du détail vrai, et à une rare qualité d’écoute de l’autre. Ce qui rend hommes, faits et gestes, présents et comme vibrants d’une familiarité perdue.
Richard Blin

Neige sur la forge
Jean-Loup Trassard
Gallimard, 144 pages, 14

À lire aussi :
Jean-Loup Trassard, Cahier dix-neuf
Publié sous la direction de Dominique Vaugeois
Le Temps qu’il fait, 288 pages, 30

Archéologie des feux Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°165 , juillet 2015.
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