Alcool, drogue et prostituées : la règle de vie d’Olivier Busnel ne souffre aucun écart. Personnage pétri de contrastes, ce haut cadre voyageur et noceur se consacre entièrement à son autodestruction. Il voue un amour total à sa femme Clara : « J’arracherai mon propre cœur de mes deux mains nues plutôt que de la perdre ». Ce qui ne l’empêche pas de pourrir leur relation à chaque fois qu’il le peut : arrogant, agressif, ironique, tout est prétexte à provocations. Lorsque Clara disparaît, Busnel devient suspect aux yeux de ses amis et s’enfonce inéluctablement dans une spirale de l’échec. Pour suivre cette lente descente aux enfers, Hugo Ehrhard voyage d’une époque à l’autre… Les secrets de Busnel sont ainsi répartis par bribes dans ce patchwork temporel, comme dans un bon roman noir. Un délice à décrypter pour le lecteur, un calvaire pour les autres personnages du récit qui se heurtent à un mur : le cas Busnel résiste à l’analyse. L’Autre reste irrémédiablement opaque : telle est l’une des leçons qui se dégagent de cette biographie fractale. Lâche, Busnel est malgré tout lucide sur son parcours comme sur la société qui l’entoure. Un entretien de licenciement qu’il dirige illustre le cynisme qui règne dans les grandes entreprises. La négociation de contrats donne lieu à des soirées d’anthologie dans des clubs asiatiques : « Notre travail sert de prétexte à cette porcherie », reconnaît-il. Une violence et une tension permanentes qui ne doivent pas faire oublier que Busnel a aussi été un enfant contraint de survivre à des traumatismes. Des failles non résorbées, dans lesquelles il chute sans fin. Il reste pour toujours le « protagoniste émérite de son propre pamphlet ; le prisonnier d’une blague lugubre ».
F. M.
LE DIEU DU TOURMENT
DE HUGO EHRHARD
Le Dilettante, 219 pages, 18 €
Domaine français La grande descente
janvier 2016 | Le Matricule des Anges n°169
| par
Franck Mannoni
Un livre
La grande descente
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°169
, janvier 2016.