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Poésie Under the skin

février 2016 | Le Matricule des Anges n°170 | par Emmanuel Laugier

Avec Basses contraintes, Dominique Quélen signe un livre qui explose le piqué et le calibre de sa phrase, exposant à nu une langue bégayante, aussi géométrique qu’organique. Ovni sûr.

Le précédent livre de Dominique Quélen, Énoncés-types (Théâtre typographique, 2014), a comme point commun avec Basses contraintes, une rapidité, une vitesse de langue entrée dans le ralentissement que la contrainte d’écriture implique. Comme s’il fallait faire rentrer dans un calibre de câbles précis des âmes multiples. Drôle d’opération, indescriptible, improbable certes, mais envisageable, si une bonne contrainte de base se pose, et écarte les actes polluants, les inspirations vagues, les intuitions fades, etc. Contraindre réduit donc les choix mais les précise. Ce nouveau livre de Dominique Quélen le montre, ajoutant à son projet quasi géométrique, la force divagante d’interrogations, d’affirmations, d’hypothèses aussi métaphysiques qu’organiques et physiques, comme celles de supposer le poids d’un oiseau dans le poème qui s’écrit par l’os de notre crâne. Quelque chose comme ça, que les blocs de proses ultra-rapides de Quélen serrent en une langue syncopée, rythmique, âpre, mais aussi légère parfois qu’une crème chantilly sur un paris-brest.
Chaque prose (cent poèmes siamois), soit cent phrases, dont chacune (20 mots par phrase) est faite de quatorze vers justifiés, crée des inflexions et un phrasé tout à fait impressionnants. Leur objet, selon trois sections, change, évolue, s’absente, diffracte les angles de vue en un ciel pas d’angle  : Quélen ajoute aux Zozios de Jacques Demarcq et à l’ornithologie de Dominique Meens, des « oiseaux  » (en 1.), puis en 2. un seul « oiseau  », avant de noter en 3., un « ø » ensemble vide d’où le livre va écrire son issue, ou ses hypothétiques sorties de voies… Entre-temps, beaucoup de matières et d’idées, charbonneuses ou pures, de bestioles volantes, vives ou tombées fracassées, de rapports entre les uns et les autres, de vie à mort donc, se seront glissés dans la fabrique du poème. Que couve-t-il et porte-t-il à éclosion ? Et quoi, précisément, en chaque bandeau de prose, vient percer comme un os dans la pourriture ? Les questions de Quélen absorbent toutes les échelles, comme si les Extraits du corps de Bernard Noël ou le Garder le mort de Jean-Louis Giovannoni étaient concassés avec le Watt de Beckett ou le faune d’Arno Schmidt, fabriquant ainsi une langue où l’organique insolvable frôle sans cesse les synthèses pures que les chiffres entendent et touchent… Entendons l’amorce de ce jeu de quasi-ponçage entre perceptions et pensivités divagantes de l’esprit : « Pas nécessaire d’examiner des oiseaux sur ou dans l’ordure. La pluie ou la neige me vont. (…) Et leur tentative va à un vocable qu’un ciel jamais n’a vu arriver au bois. On n’a pas vu. Pour des dés lancés en deux traits il y a plus de dix à l’envers qui y sont  ». Son de flûte maigre, dés pipotés, tout va vite là-dedans, oiseaux, mains, décharge, ciel bas de gris cendreux, où va-t-on ? est une question obsolète. C’est dit p. 10, en un cadrage où Descartes problématise la scène : « Deux individus ou hommes puis trois ayant de faux tissus d’oiseaux. A qui volent-ils ?  » sont comme ces semblants d’homme fait de ressorts que des chapeaux et des manteaux couvrent…
Plus loin des empreintes dans de la cire viennent compléter le tableau, les plumes deviennent plans de page où se multiplient les sensations, les pensées empreintes sillonnées de mémoires oubliées… Écoutons encore le sillon dans le crâne chercher sa phrase : « Un son doux. Un cliquetis. (…) Bruit commode avec le poème quoi ? Et ça ? L’insomnie va avec nous l’échec. Provoque tel incendie et tout se dérègle bien. (…) Et puis la machine part. Écoute là s’enfoncer dans deux cliquetis. Montre-m’en un.  » Retrouvons-le dans son « ø » supputer « La mesure ? La capacité. On a du corps et du langage. C’est à éclaircir. À convoquer dans le crâne. Être réel paraît et est impossible sans rien. (…) C’est avéré. Le réel se voit. On peut le convoquer ici. Il sert à tout. Langage. Os du haut. Du bas. Capacité. Box. Le ou la. » L’élocution s’amaigrit, s’aggrave peut-être, devient un filet de bave, une boîte noire vieille, un ensemble vide devient alors appartenant, des matières le pénètrent, l’environnent ; et voilà qu’une langue s’y forme, interrogative : « quel son va dans le crâne direct  » ? Réponse : « Tu as des os en totalité calcinés et la peau l’instant d’après. De l’air vient dans ta voix et met ça dehors. Qui parle ici ?  ». Qui parle, de l’oiseau au bec des mots inouïs, sinon que « de l’ample travail de la langue de chacun la forme jaillira. D’une langue et comme de ses os noirs où les dés sont fabriqués  ». Car le truc c’est un « assortiment oiseau + vers  », le déroulé du « fossé entre plomb et plume  » consistant à y faire exister un « objet volant  » et d’y parvenir en fascinant…
Emmanuel Laugier

BASSES CONTRAINTE
DE DOMINIQUE QUÉLEN
Théâtre typographique, 121 pages, 18

Under the skin Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°170 , février 2016.
LMDA PDF n°170
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