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En grande surface Old school

avril 2016 | Le Matricule des Anges n°172 | par Pierre Mondot

On voudrait démêler l’écheveau du projet de loi sur la déchéance de nationalité. On nourrit l’espoir d’enfin présenter un avis tranché au comptoir du Balto et cesser de se soumettre à la raison du dernier causeur. Christiane Taubira traite de la question dans ses Murmures à la jeunesse. La brièveté de l’ouvrage et l’intention pédagogique affichée nous rassurent : on tend l’oreille.
Le succès de l’ancienne garde des sceaux semble reposer sur les mêmes principes que celui de la confiture Bonne Maman. À l’image du nom de son parti, il émane de son personnage un parfum désuet de IIIe République qui charme l’électeur nostalgique. Son penchant au lyrisme, les citations poétiques dont elle parsème ses discours, confortent ce sentiment. On se souvient qu’elle conclut la présentation du mariage pour tous à l’Assemblée par ces vers de L.-G. Damas : « L’acte que nous allons accomplir est beau comme une rose dont la tour Eiffel à l’aube voit enfin s’épanouir les pétales. » (stupeur de David Douillet).
Mais l’admiration qu’elle voue à ses aînés les poètes-politiques de la négritude et l’éloquence dont l’opinion la crédite la poussent à appuyer un peu trop sur la pompe. On trouve déployé dans son livre tout l’arsenal de l’art oratoire. Avec une prédilection pour la gradation ternaire. Elle voit ainsi en Daesh une « chose difforme, hideuse, aberrante » dont le discours n’est qu’un « subterfuge, un stratagème, une ruse » auquel doit tenir tête la République, « le gîte, le havre, la maison commune ». Parce qu’il faut saluer Césaire et gagner l’estampille Black-Label, un créolisme affleure çà et là, comme un pan de madras bâillant sous la prose endimanchée : le peuple français « sait montrer grand dévouement et fier courage », manifeste « mille mercis et cinquante-douze ravissements » en défilant le 11 janvier 2015.
On devine aux extraits qui précèdent que le murmure de la députée de Cayenne tient plus souvent du filet d’eau tiède que du ruisseau. Mais s’il faut passer quelques callosités avant de pénétrer le vif du sujet, l’exposé sur la déchéance a le mérite d’être clair et pointe un projet plus bête que méchant, de même farine que le paquet neutre pour lutter contre le tabagisme. Pratiquement impossible (allez déchoir un puzzle), moquée pour son inefficacité, la loi apparaît symboliquement désastreuse : elle associerait dans l’Histoire nos gouvernants au Maréchal Pétain, dernier politique à avoir actionné ce levier (les terroristes se nommaient alors Mendès France ou Brossolette). Enfin, en les proclamant « en sursis », elle plongerait nos binationaux dans l’angoisse.
On ignore si le franco-argentin David Trezeguet, qui revendique sa double appartenance en couverture de son autobiographie Bleu ciel, sent sur ses épaules la menace de ce carton rouge que font peser « les obsédés de la différence, les maniaques de l’exclusion, les obnubilés de l’expulsion ». Il connaît en tout cas les affres d’une nationalité flottante : indéniablement français en 2000 au lendemain d’un but en or qui offre un titre européen aux tricolores, il voit six ans plus tard son passeport dériver au large du Cap Horn après un penalty manqué en finale de la coupe du monde.
La construction du récit est alléchante : comme si l’attaquant déjouait les pièges de l’autobiographie et l’écueil du soi-disant soi, chacun des chapitres s’achève avec le témoignage de proches (parents, amis, coéquipiers, entraîneurs, dirigeants). Malheureusement, au lieu d’apporter un contrepoint, ces compléments sont parfaitement synoptiques et l’effet d’écholalie ruine l’intérêt de la démarche. Si les deux cent cinquante pages du livre dessinent le portrait d’un homme sympathique, c’est comme on le dit de l’encre. Le Bleu ciel vire assez vite au bleu pâle. La stratégie de Trezeguet écrivain rappelle celle de Trezeguet joueur : positionné à la limite du hors-je, il cherche à se faire oublier des lecteurs comme jadis des défenseurs. Une vie sans affect. Une carrière sans frasques. Le joueur à l’ancienne. L’anti-Benzema. Pas d’excès de vitesse, pas de relation tarifée, pas de sextape. L’homme aime se coucher tôt la veille des matchs. Suit le club de Turin en deuxième division italienne par fidélité au maillot. S’ennuie dans le club d’Abu Dhabi malgré les pétrodollars et résilie son contrat au bout d’un trimestre.
Le numéro neuf goûte des bonheurs simples. Ainsi des asados (grands barbecues), quand « les hommes se chargent d’allumer les cuissons » tandis que « les femmes mettent la table et préparent la salade ». Indéniablement, il est français.
Pierre Mondot

Old school Par Pierre Mondot
Le Matricule des Anges n°172 , avril 2016.
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