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Domaine étranger À bout de souffle

juillet 2016 | Le Matricule des Anges n°175 | par Thierry Cecille

De 2009 à 2011, nous suivons le journal que tient Raja Shehadeh : alors que naît l’espoir des printemps arabes, la Palestine, elle, continue à s’asphyxier lentement.

Palestine - Journaux d’occupation

Les éditions Galaade nous permettaient, en 2010, de découvrir Raja Shehadeh : dans Naguère en Palestine, il parcourait les collines autour de Ramallah, y décelant aussi bien les traces nostalgiques du passé que les stigmates du présent. À partir de cette terre volée, de ce pays déchiré, il inventait cependant, peu après, une utopie : dans 2037, le grand bouleversement, il imaginait qu’un tremblement de terre suivi d’une catastrophe nucléaire obligerait les deux frères ennemis à enfin vivre dans une « Fédération » sinon harmonieuse du moins enfin apaisée.
Mais c’est au présent que Shahadeh se confronte ici : même s’il se rend parfois à l’étranger pour quelque conférence ou à Jérusalem pour un projet d’adaptation théâtrale d’une de ses œuvres, c’est à Ramallah qu’il vit et c’est de Ramallah qu’il fait une sorte d’observatoire, de poste de vigie. Il scrute en effet avec la même perspicacité alertée tout ce qui, dans les deux camps, se déroule autour de lui : les gouvernements israéliens successifs se barricadent dans une paranoïa aveugle que le mur de séparation symbolise, mais le pouvoir palestinien, lui, tente de ne pas totalement se noyer dans l’incompétence et la corruption. Les colons deviennent parfois des meurtriers que la police israélienne n’est guère pressée de condamner, mais une « classe d’arrivistes  » palestiniens défigure à son tour les territoires  : « En acquérant des terres, en arasant les crêtes des collines et en détruisant les paysages, nous imitons juste les mœurs palestiniennes que nous avons critiquées durant des décennies  ». Le bâtiment de la Mouqata’a, qui vit, on s’en souvient, Arafat assiégé durant des mois, avait en outre été, jadis, le quartier général du gouverneur militaire israélien, et un centre de tortures : « J’étais persuadé, s’illusionne Shehadeh, que ce lieu serait finalement transformé en musée  » – mais aujourd’hui « la partie des tribunaux militaires et des prisons a été totalement rasée et remplacée par la nouvelle résidence, luxueuse, du président de l’Autorité palestinienne  ». Est-ce que cet État encore balbutiant (Shehadeh suit les étapes de la – difficile – reconnaissance à l’ONU et s’en réjouit tout de même) connaîtra le même destin que n’importe quel État, tombera dans les mêmes travers et excès ? Finira-t-on par lui appliquer, à lui aussi, ce que l’on pourrait appeler l’allégorie d’Israël en Dorian Gray : « Il cache son vrai visage et continue de penser qu’il n’a pas besoin (…) de renoncer au mal et de s’insérer dans la vraie société, parce qu’il est différent, spécial, enchanté et immortel. Et comment cela finit-il ? Quand Dorian se poignarde et que son visage devient celui d’un vieillard, d’un hideux vieillard qui révèle les marques de tout le mal commis au cours de sa vie » ?
Cependant les révoltes arabes grondent, et les dictatures tombent : comme autrefois Genet face aux combattants palestiniens, Shehadeh assiste là à une sorte de transfiguration : « Les contestataires, à la télévision, ont l’air d’avoir été maquillés. Ils paraissent tellement plus beaux, le visage ouvert, hardi et brave, entièrement humains et vivants si différents de l’allure qu’ils ont eue pendant si longtemps : vaincus, méprisables, désordonnés.  » Et même si « depuis lors l’espérance a tourné  », un tel enthousiasme, affirme Shehadeh, ne peut être totalement une illusion, mais bien plutôt l’affirmation d’un humanisme de résistance.
Thierry Cecille

Palestine Journaux d’occupation
DE Raja Shehadeh
Traduit de l’anglais par Guillaume Villeneuve, Galaade éditions, 218 pages, 23

À bout de souffle Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°175 , juillet 2016.
LMDA PDF n°175
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