Un village, des on-dit, des forains, un arrêt de bus, une maison. Dans la maison une vieille fille et sa très vieille mère. Le premier roman d’Olivia Resenterra, auteure d’un essai Des femmes admirables (PUF, 2012) est un fruit mûr que l’on pèle, de la peau à la chair, jusqu’au noyau. Où chaque couche ne peut se libérer de celle qui la précède ni de celle qui la suit. Le Garçon, scènes de la vie provinciale est le récit à la première personne de la vieille fille, récit assez froid des petites choses de l’existence d’une vie menée avec une mère âgée. Une histoire corsetée autour de la tartine dans le bol, des sardines en boîte, de la chemise de nuit parfumée à la violette. Puis il y a le voisinage et les petites Bavin, bien jeunes pour traîner dehors, « la plus jeune a les dents de la chance, tandis que l’aînée est déjà grosse pour son âge ». Personnages du commun, vivant une existence banale, un quotidien entre chien et loup, où les rapports incestueux font partie du paysage. Olivia Rosenterra arrive à glisser des scènes surréalistes comme celle où la narratrice discute avec le père Bavin, en train de se masturber dans son salon, pour le questionner sur les va-et-vient dans le voisinage, et s’en repart comme si de rien n’était. C’est que la vieille fille soupçonne l’existence d’un tiers, « le garçon », personnage mystérieux en passe de faire exploser le couple fusionnel qu’elle forme avec sa mère. Cette relation gratifie la mère et la fille d’une épaisseur inattendue : la rupture est imminente, les liens se défont et d’autres créent des lignes de fuite jouissives dans l’horizon géographique et intime des personnages. L’auteure renverse les perspectives : c’est la mère âgée, qui a besoin d’une canne pour marcher, qui souhaite vivre sa vie, et demande à la fille de partir. Les rôles se sont inversés. La révolution des vies est enfin rendue possible.
Virginie Mailles Viard
Le Garçon, scènes de la vie provinciale, d’Olivia Resenterra
Serge Safran éditeur, 140 pages, 15,90 €
Domaine français Scènes de ménage
octobre 2016 | Le Matricule des Anges n°177
| par
Virginie Mailles Viard
Un livre
Scènes de ménage
Par
Virginie Mailles Viard
Le Matricule des Anges n°177
, octobre 2016.