La satire est sévère, parfois hilarante. Une brave Américaine clame : « je ne suis pas sûre que nous n’ayons pas besoin d’une nouvelle guerre pour apprendre la Discipline ! Nous en avons assez de tout cet intellectualisme, de cette culture livresque ». Le reste est à l’avenant, avec « Juifs », « financiers et communistes de mèche ». Caricatural préfascisme, mais ô combien plausible. « Impossible ici », répondent les démocrates libéraux. Pourtant, après la crise de 1929, bellicisme étudiant et « hystérie collective » aidant, le démagogue Berzelius Windrip, « un météore dans le ciel de la politique », « aux grands succès oratoires », devient Président des États-Unis, balayant Roosevelt, jetant l’opposition dans des camps… La rébellion de Doremus Jessup viendra-t-elle à bout de ce régime totalitaire ?
Si la transposition de l’hitlérisme est un peu facile et réductrice, le réalisme psychologique est doué d’une acuité qui fait mouche. Politiquement et économiquement c’est une autre affaire, ceci n’étant pas le point fort du romancier à thèse.
Le lecteur vit une grand-guignolesque uchronie : une Histoire des États-Unis parallèle à celle que nous connaissons. Comme Philip K. Dick jouant avec la défaite américaine face aux nazis et au Japonais, ou Philip Roth prêtant à Lindbergh un destin présidentiel et fascistoïde. Face à ces derniers, Sinclair Lewis eut en 1935 l’avantage de la primeur. Cette réédition – Raymond Queneau donna ce roman en 1937 chez Gallimard – vient à point nommé, non sans opportunisme. Le préfacier, Thierry Guillybœuf, ne se fait pas faute de comparer, suite aux commentateurs anglo-saxons qui remettent Sinclair Lewis à l’honneur, le personnage au hâbleur Donald Trump, quoiqu’il soit excessif de le qualifier de fasciste.
Thierry Guinhut
Traduit de l’anglais (États-Unis)
par Raymond Queneau, La Différence, 384 pages, 20 €
Domaine étranger Impossible ici de Sinclair Lewis
octobre 2016 | Le Matricule des Anges n°177
| par
Thierry Guinhut
Un livre
Impossible ici de Sinclair Lewis
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°177
, octobre 2016.