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Domaine français Marion et les autres

mars 2017 | Le Matricule des Anges n°181 | par Anthony Dufraisse

D’une écriture intimiste, Michèle Lesbre revient d’une façon très incarnée sur la vie de la brigande Marion du Faouët.

D’une Marion l’autre ; déclic, glissement. Parce qu’une SDF ainsi prénommée trouve un temps abri non loin de son domicile parisien et vient à lui rappeler l’autre Marion, ce Robin des Bois au féminin du début du XVIIIe siècle, Michèle Lesbre part sur ses traces dans le Finistère. Que n’a-t-on pas déjà écrit sur Marion du Faouët (1717-1755) ? Serait-ce alors un livre de plus sur la brigande bretonne ? Non : plus qu’un livre, c’est une déclaration d’affection, celle qui, confusément, porte un être vers un autre à travers le temps et les mots. « Raconter ta vie, d’autres l’ont fait, moi c’est te parler dont je rêvais », écrit Michèle Lesbre qui a choisi pour ce faire le mode de la lettre. S’il y a là toutes les caractéristiques du genre épistolaire, c’est surtout à un dialogue avec elle-même que se livre Michèle Lesbre, et dont la figure de Marion du Faouët serait l’illustre messagère. « Je savais qu’il y aurait un rendez-vous entre nous sans en avoir une idée précise », admet-elle, comme s’il avait fallu laisser passer le temps, ce qu’on appelle l’expérience, pour que cette adresse prenne tout son sens.
Car il y a de l’autoportrait dans le portrait de celle que Michèle Lesbre veut voir comme une féministe avant l’heure, à la tête d’une « compagnie » d’hommes qui lui étaient semble-t-il sincèrement attachés. Autoportrait ? Non pas que Michèle se reconnaisse en Marion, mais ce que Lesbre croit connaître et comprendre de cette femme promise au gibet à 38 ans lui permet de dire ce qu’elle pense de notre « monde improbable ». « Âme errante à laquelle je tente de m’adresser » (rappelons qu’aucune sépulture, à l’époque, n’était attribuée aux pendus, destinés à la fosse commune), Marion du Faouët est morte en 1755, cette même année qui vit la pendaison de Mandrin, rendu populaire pour sa guérilla contre les collecteurs de taxes. En évoquant cette « voleuse et amoureuse de la vie », ni « ange ni sainte » à travers des lieux qui furent les siens – Le Faoüet, les monts d’Arrée, Quimper –, d’autres visages et d’autres souvenirs, ceux autrement plus personnels de l’auteure, viennent se superposer à une imagination exaltée. Les engagements politiques et les rencontres marquantes d’un passé, plus ou moins proche, chères à Michèle Lesbre se trament au récit de la vie « courte et chaotique » de Marion. Les époques se chevauchent, créant une espèce de maelström temporel et sentimental. Les mobilisations contre la guerre d’Algérie, son expérience d’enseignante et le rappel discret, en pointillé, de « Victor D. » (allusion à l’un de ses précédents livres sur Victor Dojlida) déroutent l’écriture de ses intentions premières. « Pardonne-moi si je mets du désordre dans ta vie. Depuis le début du voyage, elle me revient par bribes et parfois me renvoie à la mienne. La jeune femme révoltée et rebelle que tu es, dont la vie est un palimpseste que le temps colporte, après des générations de conteurs qui se la sont appropriée comme je me l’approprie, me rappelle mes propres colères, mes propres engagements, les blessures que laisse l’Histoire ». Il s’agit donc moins de contretemps dans la rédaction de cette lettre que de contrepoints, les lignes d’autres vies comme autant de lignes de fuite.
D’une écriture intimiste et feutrée, Michèle Lesbre reconstitue ainsi, par fragments, par éclats, l’existence de Marion tout autant que la sienne. Entre pudeur et colère rentrée, cette lettre, comme improvisée, prend donc des détours inattendus. Michèle Lesbre s’imprégnant de son prochain, proche ou lointain, jusqu’à, souvent, en être remuée, (« vos vies sont entrées dans la mienne », dit-elle), ses pages forment une tectonique de plaques sensibles.

Anthony Dufraisse

Chère brigande. Lettre à Marion
du Faoët,
de Michèle Lesbre
Sabine Wespieser éditeur, 78 pages, 12

Marion et les autres Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°181 , mars 2017.
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