Il s’appelle Lucien, on l’appelle Lucy. Candide, il est congédié de chez sa mère car il est temps pour lui d’aller vivre sa vie. On lui a trouvé un emploi dans un château étrange à l’est de la province. Quelle province ? On ne sait pas. Chez Patrick DeWitt on entre dans l’imaginaire dès qu’on entre dans le livre. Lieu et temps importent peu. La vraisemblance n’est pas non plus un objectif. Écrivain conteur (auquel on doit The Brothers Sisters), le Canadien est un virtuose de la narration. On ouvre Heurs et malheurs du sous majordome Minor comme on ouvrirait un paquet de bonbons légèrement acidulés. On n’a pas faim et l’on dévore si vite que le paquet est fini sans qu’on s’en aperçoive.
Donc Lucy Minor arrive dans cette contrée étrange où le peuple mène une guerre dans les forêts et où le château von Aux abrite un baron fou d’amour (capable de passer de la sauvagerie la plus étrange à la stature de l’amoureux courtois écrivant des lettres tendres à sa baronne enfuie). Dans le peuple (paysans, soldats et voleurs), Lucy rencontre Klara et c’est l’amour qui frappe à son cœur. Peu occupé au château, le garçon un jour écrit à la baronne afin de la convaincre de revenir en ses terres. Son retour trouvera son apothéose en une nuit orgiaque dont la pornographie bestiale s’achèvera dans un comique à la Molière. Entre conte, roman d’apprentissage et comédie de mœurs, DeWitt tisse une histoire à dormir debout où l’impossible devient l’évidence. Et l’écrivain prouve, dans la liberté narrative qu’il s’offre, qu’il est une jeune voix à suivre absolument. T.G.
Heurs et malheurs du sous majordome Minor,
de Patrick DeWitt
Traduit de l’américain
par Emmanuelle et Philippe Aronson, Actes Sud, 389 pages, 23 €
Domaine étranger Heurs et malheurs du sous-majordome Minor
juillet 2017 | Le Matricule des Anges n°185
| par
Thierry Guichard
Un livre
Par
Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°185
, juillet 2017.