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Poésie « qui peut dire de mes poèmes qu’ils en sont ? »

juillet 2017 | Le Matricule des Anges n°185 | par Richard Blin

Ainsi s’exprimait Ryôkan (1758-1831), un moine zen, et un ermite-poète, dont Alain Colas vient de traduire intégralement les Poèmes de l’ermitage.

Poèmes de l’Ermitage

Peu connu de son temps mais devenu presque légendaire au Japon, Ryôkan – du nom sous lequel il a été ordonné moine – ne se soucia jamais de faire « une œuvre ». Le premier recueil d’une partie de ses poésies, La Rosée d’un lotus (Gallimard, 2002), fut constitué, après sa disparition, par une jeune moniale, Teishin, à laquelle il avait été lié par une amitié amoureuse à la fin de sa vie. Personnage nonchalant et souvent fantaisiste, qui refusa la carrière administrative et choisit le bouddhisme sous sa forme zen, Ryôkan, formé dans l’ordre Sôtô de Dôgen, devint un moine qui, préférant la montagne au monastère, opta vite pour la vie en ermite.
Un peu étourdi – il égarait souvent son bol à aumônes pour s’être lancé dans de grands jeux de balle ou dans d’interminables parties de cache-cache avec les enfants des villages – cet esprit indépendant, qui aimait le jeu de go, excellait à la calligraphie non-conformiste, appréciait le saké et le tabac, écrivait des poèmes tantôt en japonais (waka) tantôt en chinois (hanshi) comme en était revenue la mode à son époque. C’est le cas des poèmes qu’il a réunis sous le titre de Poèmes de l’ermitage.
Pour Ryôkan, la pratique poétique fait partie d’un mode de vie résolument bouddhique. Il s’agit de revenir à notre être originel ou naturel, pour vivre sans rien forcer. Une philosophie très pragmatique, fondée sur l’observation quasi clinique du réel, une vie errante et libre (« nuage flottant » et « eau qui s’écoule »), un sens retrouvé de la simplicité, du naturel et du détachement. « C’est depuis mon abandon de la vie laïque. / Je passe tout mon temps selon le cours des choses. // Hier, je demeurai dans un mont verdoyant ; / Aujourd’hui, je circule dans une bourgade. // Muni de mon sac et de mon bol à aumônes, / À mon aise, je vais où me portent mes pas. // L’envie me prend parfois d’user de mon pinceau. / On donne à ce que j’écris le nom de poèmes. »
Des poèmes qui sont ceux d’un être qui a opté pour la « désobstruction mentale »  : elle consiste à évacuer les pensées inutiles ou dommageables, les jugements dichotomiques – le bon et le mauvais, le gain et la perte… –, à éliminer tout ce qui est source de partialité et de dissensions. L’esprit ainsi décapé gagne une lucidité qui passe par la conscience de la fugacité des choses comme de l’indivision de l’absolu et du relatif. Ce qui se traduit par une liberté intérieure, un sentiment de délivrance qui fait de l’évidence même du réel où nous vivons, la seule vérité – le vrai n’étant que l’entièreté du réel considéré dans son insondable et inqualifiable plénitude.
Ce que ne cesse de nous dire Ryôkan, c’est que la vérité ou la lucidité ne sont pas à conquérir, ne relèvent pas d’une acquisition mais d’un dégagement. La vérité n’est pas dans une définition mais dans la façon de la percevoir au-delà des allusions langagières dont elle est l’objet. « Ce peu de chose est trop subtil pour être transmis ; / Passant par le langage, il disparaît dans l’incohérence. » Des subtilités qu’éclaire pour nous, magistralement, Alain Colas dont l’introduction, les notes et les commentaires font aussi tout l’intérêt de l’ouvrage. Là où l’on pourrait croire anodins ou banalement descriptifs certains vers, Alain Colas nous donne à voir et à comprendre leur arrière-plan, qui correspond toujours à des points importants de la philosophie bouddhique.
Dénonçant les pratiques-simulacres d’un zen caricatural et les controverses qui entretiennent le sectarisme et les dissensions, Ryôkan prône un zen vécu indépendamment des rites et conventions. « Qui se garde d’imiter le sot et le sage / Mérite le nom de pratiquant de la Voie. » De même, il se refuse à la pratique littéraire de la littérature, se moque des cénacles mondains où l’on s’assemble pour le plaisir de faire des vers. « Qui peut dire de mes poèmes qu’ils en sont ? / Mes poèmes ne sont pas vraiment des poèmes. / Il faut savoir que mes poèmes n’en sont pas. / C’est alors que nous pourrons parler des poèmes. »
Riche de toute sa réflexion bouddhique et de toute son expérience humaine, les Poèmes de l’ermitage sont le livre d’une sagesse vécue sur le mode paradoxal tant elle célèbre une façon de vivre aussi libérée que libératrice. Celle d’un marginal à la fois moraliste et humoriste comme en témoigne le portrait de Ryôkan tel qu’on le découvre dans Histoires curieuses touchant le maître de zen Ryôkan, de Kera Yoshishige, qui paraît parallèlement. Richard Blin

Poèmes de l’ermitage, de Ryôkan, édition bilingue, traduit du chinois, présenté et annoté par Alain Colas, 336 pages, 26 , et Ryôkan Avertissements, suivi de Kera Yoshishige Histoires curieuses touchant le maître zen Ryôkan, 192 pages, 16 ,
Le Bruit du temps

« qui peut dire de mes poèmes qu’ils en sont ? » Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°185 , juillet 2017.
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