Littérature et traduction : le goût de l'étranger
- Présentation Le désir de l’autre
- Autre papier Embarcadère pour l’ailleurs
- Autre papier Chambre avec vue
- Autre papier Une communauté polyglotte
- Autre papier L’heure de se rencontrer
- Entretien La Grèce au cœur
- Entretien Veni, vidi, traduci
- Entretien Au cœur de la traduction
- Entretien « L’épreuve du son »
- Autre papier Une langue singularisée
Traducteur italien de Jean-Philippe Toussaint, le romancier et chroniqueur vénitien Roberto Ferrucci parle un français chantant et chaleureux : à son image. Depuis son séjour à Saint-Nazaire en 2008 il a été publié par les éditions du Seuil et par La Contre Allée qui fait paraître ce mois-ci Ces histoires qui arrivent traduit par Jérôme Nicolas. Le livre sur l’amitié avec Antonio Tabucchi, sur Lisbonne, sur l’écriture et la lecture. Un livre très nazairien, finalement.
Roberto Ferrucci, dans quelles circonstances avez-vous connu la Meet et pourquoi avez-vous désiré venir en résidence à Saint-Nazaire ?
C’était par hasard. J’étais en résidence à Passa Porta à Bruxelles, et Sigrid Bousset, la directrice, m’a parlé de la Meet. Jusque-là, pour moi le côté résidences d’écriture était inconnu, vu qu’en Italie elles n’existent pas. Nous sommes nuls, désormais, par rapport à la production culturelle. J’ai tout de suite envoyé la demande par mail à la Meet et l’année suivante, en 2008, j’étais à Saint-Nazaire.
Quelles images gardez-vous de cette résidence ?
La plus précieuse possible. Je suis tombé littéralement amoureux de la ville et à partir de ce moment-là, je reviens à Saint-Nazaire chaque année et j’ai beaucoup d’amis là-bas. L’année passée, invité au Meeting de novembre comme directeur de la partie Venise pour le numéro de la revue Meet intitulé « Venise/Varsovie », je n’ai pas hésité à la définir, pendant une table ronde, la deuxième plus belle ville au monde. Naturellement tout le monde a pris ça comme une blague, surtout les Nazairiens, mais moi j’étais sérieux : dans mon cœur il y a Venise et, juste après, Saint-Nazaire.
Quelles conséquences une telle résidence a pu avoir sur votre œuvre ?
Des conséquences importantes. Décisives, en effet. Dès le premier jour de résidence dans l’appartement du dixième étage du Building j’ai senti une urgence de raconter. Avant tout le paysage qui s’offre à tes yeux de la grande porte vitrée du séjour : le port, le pont sur la Loire, l’estuaire, le Petit Maroc, Saint-Brévin, l’océan. Et les couleurs qui changent en continu. J’ai écrit un roman, publié dans la collection bilingue de la Meet, Sentiments subversifs, qui se passe à Saint-Nazaire, et même dans les livres suivants, il y a toujours eu de la place pour cette ville. Elle est devenue une sorte de personnage fétiche de mon écriture : dans Venise est lagune (La Contre Allée, 2016) je raconte des paquebots qui sont construits à Saint-Nazaire et qui viennent, après, détruire avec leurs tonnes d’acier, la lagune vénitienne, et Patrick Deville en a écrit la préface. Même dans mon dernier livre Ces histoires qui arrivent, où je raconte mon amitié avec Antonio Tabucchi, je parle de la Meet, du colloque qu’elle a organisé à Fontevraud sur Tabucchi. En plus, la Meet est dirigée par un de plus importants écrivains français, Patrick Deville. J’ai eu donc la chance de le rencontrer, de devenir son ami et traducteur...