Littérature et traduction : le goût de l'étranger
- Présentation Le désir de l’autre
- Autre papier Embarcadère pour l’ailleurs
- Autre papier Chambre avec vue
- Autre papier Une communauté polyglotte
- Autre papier L’heure de se rencontrer
- Entretien La Grèce au cœur
- Entretien Veni, vidi, traduci
- Entretien Au cœur de la traduction
- Entretien « L’épreuve du son »
- Autre papier Une langue singularisée
Patrick Deville, selon vous quels impacts les résidences de la Meet, ses publications et le festival Meeting ont aujourd’hui sur l’édition en France de littérature venue de tous horizons ?
Les lecteurs français ont le goût des littératures lointaines. C’est l’un des pays où l’on traduit le plus. Il y eut les grands passeurs, les Caillois et les Larbaud. Depuis trente ans, la Meet dans leur sillage contribue à ce travail de découverte et d’accueil. Des écrivains jeunes et inconnus édités là, en édition bilingue, il y a des dizaines d’années, sont aujourd’hui les plus lus et au catalogue d’autres éditeurs. Plus récemment, l’écrivain guatémaltèque Eduardo Halfon par exemple à La Table Ronde après avoir rencontré Alice Déon au Meeting, ou l’italien Roberto Ferrucci au Seuil après avoir rencontré Bernard Comment.
Je tenais à faire le point à l’occasion de ces trente ans, à imaginer un ouvrage assemblant des extraits de textes bilingues, des images de ce port littéraire, et des portraits de quelques-uns venus ici parmi les 868 romanciers ou poètes et les 256 traducteurs qui furent édités ou invités. En trente ans donc une centaine d’ouvrages bilingues, des dizaines de textes de commande sur les sujets annuels du Meeting, et parmi ces auteurs de nombreux écrivains français dont les habitués du lieu comme Pierre Michon ou Jean Rolin.
La Meet bénéficie aujourd’hui de l’appui des postes culturels de l’Institut français partout dans le monde pour susciter des candidatures aux résidences. Elle est à l’origine de la création de la Maison internationale des écrivains de Beyrouth, que Charif Majdalani a imaginée depuis Saint-Nazaire, en partenariat pendant des années avec le Centre André-Malraux de Sarajevo, avec la Casa Refugio de Mexico de Philippe Ollé-Laprune, et contribue avec lui à la création d’autres Maisons refuges pour les écrivains et intellectuels menacés en Amérique latine.
Chaque mois, la lettre d’information qu’envoie Elisabeth Biscay, qui coordonne toutes les activités de cette maison, est lue dans une soixantaine de pays. En Argentine ce sont quatre générations d’écrivains qui se sont succédé dans le Building, depuis César Aira ou Ricardo Piglia jusqu’à Leandro Blacha qui vient d’y passer deux mois, ou Elsa Osorio dont le dernier roman est nazairien. Et nous imaginons nous rassembler à l’occasion de ces trente ans à Buenos Aires à l’invitation d’Alberto Manguel, qui a quitté le Conseil littéraire de la Meet pour diriger la Bibliothèque Nationale d’Argentine. Et lorsque je suis en Chine et rencontre les écrivains, parce que Gao Xingjian et Mo Yan furent invités ici avant de se voir attribuer le prix Nobel, j’ai parfois l’impression qu’on me soupçonne d’avoir le jury dans la poche. Ce qui est exagéré…
Beaucoup d’écrivains et de traducteurs sont venus laisser leur empreinte sur le canapé de l’appartement 61 du building, et des livres dans la bibliothèque. Mais qu’ont-ils laissé à l’écrivain français que vous...