Littérature et traduction : le goût de l'étranger
- Présentation Le désir de l’autre
- Autre papier Embarcadère pour l’ailleurs
- Autre papier Chambre avec vue
- Autre papier Une communauté polyglotte
- Autre papier L’heure de se rencontrer
- Entretien La Grèce au cœur
- Entretien Veni, vidi, traduci
- Entretien Au cœur de la traduction
- Entretien « L’épreuve du son »
- Autre papier Une langue singularisée
Né en 1947, Michel Volkovitch est un promoteur passionné de la littérature grecque. Depuis plus de trente ans, il aura traduit près de deux cents auteurs, de la poétesse Kiki Dimoula au romancier Chrìstos Ikonòmou. En 2004, il remporte le prix Laure-Bataillon pour sa traduction du Miel des anges, de Vanghèlis Hadziyannìdis. Cette année, il donne, sous son enseigne, Tous les poèmes du grand poète Constantin Cavàfis.
Michel Volkovitch, vous avez créé votre propre maison édition, Le Miel des anges, en 2013. Était-ce une réponse à la frilosité des grands éditeurs qui s’intéressent assez peu à la littérature grecque ?
J’ai créé Le Miel des anges pour donner vie en français à des textes grecs rejetés par les éditeurs en place, car trop originaux, trop difficiles. Nous avons commencé par la poésie, contemporaine de surcroît, nous y avons ajouté la nouvelle, autre genre méprisé, et nous lançons maintenant – ce n’est pas moins suicidaire – une collection théâtrale. Bref, nous défendons tout ce qui ne se vend pas.
Frileux, les grands éditeurs ? Sans doute, mais c’est leur taille qui l’impose. Ces grandes machines lourdes et coûteuses doivent impérativement faire du chiffre, alors que notre Miel des anges, avec ses frais très réduits et son semi-bénévolat, peut s’offrir ce luxe : vendre peu et faire la nique au dieu Fric. Dans le domaine grec, chacun publie selon ses moyens : le Seuil cartonne avec les excellents polars de Màrkaris, des maisons plus modestes comme Quidam, publie.net ou Cambourakis ont à leur catalogue des trésors moins vendeurs, et les maisons minuscules comme notre Miel des anges s’occupent d’auteurs non moins passionnants, mais le plus souvent inconnus à l’étranger, qu’elles sont seules à pouvoir publier sans risque. Chacun est donc à sa place, complémentaire des autres. Je suis content, à l’occasion, de travailler pour les « grands éditeurs », mais le bonheur total, qui consiste à n’en faire qu’à sa tête, c’est le Miel des anges qui me le donne…
Spécialement négligée, la Grèce ? Je la vois juste un peu plus mal lotie que d’autres, l’État grec étant trop pauvre actuellement pour aider à la diffusion du livre grec hors des frontières, et aussi à cause d’un problème d’image : les étrangers attendent la mer, le soleil, le sirtaki, tout ce folklore que les bons auteurs grecs ne leur offrent guère…
Pourquoi y a-t-il si peu de traducteurs grecs en France ? Les lieux de formation pour devenir traducteur se sont pourtant multipliés…
Les traducteurs de grec sont plus nombreux qu’on ne croit, mais ils ont un mal fou à faire carrière, le livre grec se vendant mal. Et pour tout arranger, un stakhanoviste nommé Volkovitch accapare le boulot… Vivement qu’il dégage ! Place aux jeunes ! J’ai enseigné pendant plus de vingt ans au master de traduction littéraire professionnelle de Paris VII, réservé aux anglicistes, ainsi qu’au CETL de Bruxelles, et je n’ai que du bien à dire de ces deux formations,...