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Domaine étranger Se laisser conter

septembre 2018 | Le Matricule des Anges n°196 | par Julie Coutu

Avec Le Bruit du dégel, John Burnside tisse un roman mélancolique, qui fait la part belle au chagrin, avec une immense douceur.

Le Bruit du dégel

Il y a toujours dans les romans de John Burnside une sorte de présence, un lien à un au-delà. Un penchant assumé pour une forme de panthéisme, cette habitude de venir effleurer des esprits dissimulés derrière nos propres ombres. Le Bruit du dégel, sous un aspect moins sauvage que L’Été des noyés, ou Scintillation, ne fait pas exception à cette règle. C’est un roman-conte, une déambulation à travers la vie d’un pays, sur le fil de l’aventure d’une vie, au gré d’une parole pour dire et sauver, et redécouvrir, et apprivoiser, décrypter, le monde comme il devrait être, comme au moins on aimerait qu’il soit.
Le Bruit du dégel est un roman empli de récits, petits et grands, de souvenirs, de lectures et de fantômes. De bruits aussi. D’écoute surtout. « Il n’y avait rien de particulier, aucun son qu’on ne puisse entendre n’importe quand à l’orée des bois après une brève averse d’été. (…) jusqu’à ce que je comprenne. Ce qu’il voulait que j’écoute, c’était exactement le monde que je pouvais entendre n’importe quand, le monde que je pouvais entendre et auquel je ne prêtais jamais attention, l’arrière-plan, le bruit du temps qui passe ». Entendre et écouter le bruit du monde, entendre et écouter celle qui raconte. Démêler des fils de vies, des écheveaux de secrets, quand le temps tisse sa toile et cultive les silences, le doute. L’absence aussi.
Il y a dans Le Bruit du dégel la rencontre improbable entre deux femmes silencieuses. Kate, l’étudiante en cinéma, grandie sans mère et dont le père vient de mourir, sa pseudo-vie de couple, son alcoolisme chronique, ses nuits trop blanches, ses projets avortés. Jean Culver, figure de conte de fées ou de sorcière, dans sa clairière, devant sa maison non répertoriée, occupée à fendre du bois, cuire des biscuits, vieille dame solitaire, avec une histoire à transmettre. « Je vous raconterai mon histoire, si vous voulez. Pas aujourd’hui, mais bientôt. Je pense que ça pourrait vous intéresser. »
Tout commence ainsi. Une proposition contre une promesse. Kate cesse de boire, « requête incongrue, mais ce fut alors que ma vie changea, parce que je ne me vexai pas et ne quittai pas la cuisine pour retourner à ma routine quotidienne d’alcool et de coucheries embrumées avec Laurits en attendant un fantôme, qui, je le savais, ne viendrait jamais. » Tout commence ainsi, et Kate écoute.
Leurs deux solitudes, leurs deux abandons, s’installent entre les tables du Territoire Sacré, hipster café du coin, la cuisine de Jean, une part de gâteau à la carotte, un thé à l’improbable arôme. Jean parle, et en parlant, elle laisse Kate revenir à elle. Elle raconte, sa jeunesse, ses amours, ses ratés, ses terreurs, ses erreurs, l’Amérique des 60’s et ses torts et travers. Elle balaie de grands pans d’Histoire, laisse traîner un regard en arrière. Elle troque un échantillonnage de faits bruts, sans fards, presque sans tabous, contre les approximations et les doutes, les vagabondages de Kate. Elle livre l’histoire de son grand amour, comme une clé narrative, vers un ailleurs incertain. C’est un charme profond de l’écriture chez Burnside : des pans entiers de récits tout juste ébauchés, des questions sans réponses, parce que la vie a de ces raccourcis, parce qu’on ne répond jamais à tout. Burnside interroge le réel, la fiction, la création, l’interprétation, la réinterprétation, sans prétendre donner de clés. Ce peut être déstabilisant, inconfortable parfois. Mais quand on accepte de jouer le jeu, ses histoires fonctionnent à merveille. Un roman de John Burnside, c’est comme une respiration au monde. Le Bruit du dégel fuit les évidences, sonde le hasard, répond souvent en poésie. C’est un roman triste et mélancolique, qui fait la part belle au chagrin, avec une immense douceur. De quoi laisser filer ses pensées, et ses réflexions. De quoi rêver, et croire.

Julie Coutu

Le Bruit du dégel, de John Burnside
Traduit de l’anglais (Écosse) par Catherine Richard-Mas, Métailié, 362 pages, 22

Se laisser conter Par Julie Coutu
Le Matricule des Anges n°196 , septembre 2018.
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