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Domaine français Soubrette ou égérie ?

octobre 2018 | Le Matricule des Anges n°197 | par Dominique Aussenac

D’une écriture fluide, le nouveau roman de Julia Kerninon interroge la place de la femme dans le processus de création masculin.

Qui était la femme du soldat inconnu ? Plus sérieusement, qui sont les femmes des hommes illustres, des génies, des créateurs ? Mères, sœurs, épouses, amantes, servantes…, comment les ont-elles aidés à se réaliser, à se transcender ? Pourquoi souvent dans l’anonymat, sont-elles si peu mises en avant ? Ma dévotion enfonce les pieds dans le plat.
À la fin de sa vie, Helen, femme de plume et éditrice, rencontre l’homme, un peintre hors du commun de qui elle fut le pygmalion et la femme à tout faire. Ils vécurent longtemps ensemble, à des époques différentes. Là, pendant six heures sur ce trottoir de Londres, Helen interpelle dans un monologue de trois cents pages son ex-amour, retraçant leurs vies, leurs zones d’ombre et de lumière. « C’est moi qui vais parler, et moi seule. Je vais te raconter, ici et maintenant, debout dans la rue, je vais te raconter toute notre histoire depuis le début, parce qu’il faut que je l’entende, moi aussi.  »
Le rapport entre sentiment amoureux et processus de création traverse les ouvrages de Julia Kerninon. Buvard relatait la vie d’une écrivaine se confiant à un jeune journaliste. Issue d’un milieu précaire, elle rencontre dans un bar un écrivain dont elle devient la secrétaire puis l’amante. Elle finit par s’immiscer dans son écriture. Le Dernier Amour d’Attila Kiss évoquait la rencontre d’un homme d’extraction populaire, peintre autodidacte de jour, écraseur de poussins mâles la nuit, et d’une jeune femme de la grande bourgeoisie. L’autobiographique Une activité respectable permettait à Julia Kerninon d’expliquer son propre cheminement vers l’écriture.
Helen et Franck ont vécu dès l’enfance dans le même bouillon de culture, celui de rejetons de diplomates à Rome, un prestigieux nid de vipères. Helen, harcelée sexuellement par ses frères, Franck en butte à l’autorité et l’hypocrisie familiale. Helen prendra Franck sous sa coupe, le couple s’installant à Amsterdam. Si Franck met plusieurs années à se chercher, avant de s’autoriser à devenir un génie de la peinture, Helen, volontaire, besogneuse, maternelle, déblaiera devant lui toutes les difficultés matérielles, tolérera l’absolue liberté sexuelle du jeune mâle, puis se mariera avec Günther aux États-Unis. Franck aura un enfant, Ludwig, qu’il élèvera seul. En mal de progéniture, Helen reviendra les materner. Sa dévotion toutefois finira par tuer. La jalousie l’amenant à rater un meurtre et à pousser l’adolescent au suicide. « Lorsque quelqu’un est aussi discret que moi, personne n’imagine qu’il puisse avoir un tempérament passionné. Les gens pensent que ma personnalité est un genre de bruit blanc, que le silence que je fais en société est l’écho de celui qui résonne, depuis toujours dans l’espace clos de ma tête, sous les cheveux coiffés. Mais – je le sais mieux que personne – il ne faut pas juger un livre à sa couverture. »
La force de l’ouvrage est basée sur l’énonciation de sentiments complexes, ambigus, parfois contradictoires, non partagés qui traversent tout le registre de la passion amoureuse. Sentiments finalement tus toute une vie et qui finissent par déborder à la fin. Helen par amour s’est vouée à un homme jusqu’à s’oublier. Dès le début, un peu comme dans un polar, la tension est extrême et la sensation que tout peut basculer à tout moment, omniprésente. L’impression du poids d’un fatum, d’une malédiction s’y précise. En voulant échapper à l’emprise familiale, sa violence, son hypocrisie, le couple n’échappe pas au mensonge, à la trahison, au drame qu’il finira par générer. Un roman dédié à l’écrivain britannique Thomas Hardy, dont les personnages entrent en lutte contre leurs propres passions, leur damnation aussi. Un roman où Julia Kerninon soucieuse de donner la parole à ses héroïnes, exclut celle de l’homme, tout en le pardonnant, au nom de l’amour…

Dominique Aussenac

Ma dévotion, de Julia Kerninon
Le Rouergue, 304 pages, 20

Soubrette ou égérie ? Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°197 , octobre 2018.
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