Pendant un an, entre juillet 2015 et juin 2016, Frédérique Germanaud a tourné le dos au travail salarié pour se consacrer pleinement à l’écriture, vivant d’économies et de collaborations ponctuelles. Il en naît ce Journal pauvre, qui navigue avec finesse entre l’autobiographie et l’autofiction. D’emblée, l’ambition est posée : « Je ne veux pas d’une pauvreté qui démolit, qui fait suffoquer. D’une pauvreté du manque, de la résignation et de l’ennui ». Il s’agit de lire, de créer, de rencontrer. La résistance au consumérisme s’organise. Un mode de vie qui demande du bon sens et de l’abnégation. L’écrivaine se plonge dans des lectures salutaires : Factotum de Charles Bukowski, Rick Bass et le Dernier Journal du Belge Henry Bauchau. Son ascétisme érudit rend hommage à l’œuvre de Pascal Quignard, qui plane aussi sur cet exil volontaire. En changeant de paradigme, la valeur travail s’ennoblit. Frédérique Germanaud se lance dans une collaboration avec la plasticienne Ilanit Illouz. Ce faisant, elle interroge le passé algérien de sa famille. Une quête qui enrichit sa réflexion sur la mémoire et la commémoration. Un questionnement historique et philosophique percuté de plein fouet par l’actualité : en Méditerranée, des milliers de migrants quittent leur pays pour un autre, en y laissant souvent la vie. Les thèmes s’entrechoquent, scandés par les haïkus de Bashō et des interrogations sur la création littéraire. Les livres de Frédérique Germanaud fonctionnent en échos. Journal pauvre répond à cet appel lancé par Vianet. La lettre, Quatre-vingt-dix motifs et Courir à l’aube (Lmda N°179) où l’auteure mettait déjà en place ces procédés introspectifs. Toutes ses œuvres confortent son engagement. « Je cherche un rapport simple à l’autre, au monde, à la nature, sans jugement ni morale. » L’artiste, puisqu’elle peint également, tire de ces voyages intérieurs des textes à la fois intimes et universels, qui renouent avec l’humanisme des origines.
Franck Mannoni
Journal pauvre de Frédérique Germanaud
La Clé à molette, 160 pages, 13,50 €
Domaine français Journal pauvre
février 2019 | Le Matricule des Anges n°200
| par
Franck Mannoni
Un livre
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°200
, février 2019.