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Poésie Un monde vivant

avril 2019 | Le Matricule des Anges n°202 | par Emmanuelle Rodrigues

Les poèmes de Marie-Claire Bancquart témoignent d’une inlassable quête : à l’énigme du vivre répond l’exigence d’un chant profond.

Terre énergumène et autres poèmes

À propos de son travail, Marie-Claire Bancquart livrait ces quelques lignes : « J’aime particulièrement la poésie, parce qu’elle est cette “langue dans la langue”, dont nous avons grand besoin contre la langue de bois. La mienne se fonde sur le corps (une fascination pour son intérieur), les choses, les espaces, les violences, les énigmes noires ou belles qui nous entourent. » Auteure de nombreux livres de poésie et de romans, d’essais sur la littérature de la fin du XIXe siècle, éditrice, entre autres, des écrits d’Anatole France, de Maupassant, de Jules Vallès, Marie-Claire Bancquart mena à la fois une carrière de professeur d’université, d’écrivaine et de critique : elle reçut notamment le prix Max-Jacob en 1978. Née en 1932, dans l’Aveyron, elle vécut à Paris où elle est récemment décédée le 19 février 2019. Sa première publication, Mais, en 1967 ouvre la voie à une œuvre considérable, marquée par son enfance occitane, par l’expérience de la maladie qui la laissa alitée de nombreuses années, mais aussi par les voyages, autre manière d’explorer le vivant, d’en approcher la part énigmatique.
Loin de tout lyrisme, la parole qui se fait entendre ici se cherche constamment : « Et quelque chose sort de moi qui ressemble pourtant à un chant/non, à une prière/non, à l’oraison pour une sérénité du vivant. » Comme l’indique la préfacière de Terre énergumène, Aude Préta-de-Beaufort, les recueils présentés ici, et publiés entre 1974 et 2009, attestent d’un désir « d’interroger la vie dans ce qu’elle a de plus énigmatique » et « d’y chercher un “lieu”. » Cette quête laisse d’abord entrevoir « une manière assez noire », la révolte des premiers temps de l’écriture cède ensuite la place à l’apaisement, malgré une tension qui demeure. Par ce tracé d’un chemin en quête de ses propres pas, la langue de Marie-Claire Bancquart s’approfondit, « prenant leçon des autres espèces », écrit-elle, « à l’inverse d’Orphée ». L’élan dionysiaque se métamorphose et devient plus apollinien. Cette exploration du vivant se définit par une attention portée au corps, ce « pays second », à tout élément naturel, du plus infime au plus cosmique. L’imperceptible matière patiemment auscultée et décrite n’en est pas moins une invitation, en résonance avec cette palpitation du vivre, à en saisir le rythme même. Pourtant, demeure « verticale du secret », l’expérience de la douleur, mort et maladie, et surtout, du silence, cette disparition que nous savons, « notre avenir d’après la mort ».
D’un poème à l’autre, la parole que Marie-Claire Bancquart nous adresse n’est autre qu’une exhortation à vivre, moins une « imprécation » qu’un impératif selon lequel les mots seraient nos intercesseurs, à l’instar du cérémoniel de l’écriture, clé de voûte d’une arborescence intérieure où l’écoute élève en nous le regard : « Écoute un peu chanter ta plèvre/avec le vent,/commence un feuilletage d’amitié avec l’arbre,/prends-toi pour une paraphrase de l’automne. » Ainsi, de ce pouvoir de métamorphose toujours en germe : « Si tu pénètres dans le corps,/assez profond/pour explorer ta forêt de veines, de bronchioles/deviens/le magicien d’un verbe ». L’écriture s’intègre à la vie, ainsi qu’une racine sort de terre, captant l’énergie du corps, comme les plantes celle de la lumière. C’est bien un processus quasi alchimique qui est à l’œuvre, purifiant le plus noir et l’éclaircissant : « Quelquefois/dans notre cerveau/électrochoc/un soleil/darde/au milieu des chairs. » Et encore : « Une pointe/magnifique ou terrible/du monde/ Incorporée. » Dépôt, matière en passe de destruction, entre vie et mort, cette fissure telle une brèche où le fil ténu de nos existences disparaît, cela même nous constitue : nous progressons entre une chose et une autre, libérant cette musique qui nous gouverne, le souffle qui habite notre maison. Vivre nous engage à suivre « la courbure de notre domaine/qui porte à cette soif évasive, la vie. » Ce qui est à préserver, c’est justement « sa pauvreté transparente/dont quelque chose/à force de ténu, de prompt/échappe longtemps au saccage. »
C’est donc bien là, « entre non-mourir et la mort  », dans cet interstice même, que quelque chose dure et nous place dans l’ordre du vivant. Ce qui s’écoule entre « des instants qui fertilisent », voilà qui affirme l’épaisseur des choses et leur relief, mais aussi leur précarité dans un jeu de forces toujours susceptible de rompre son propre équilibre. Et cela même, ce vivant-là, s’oppose « depuis l’ombre/au silence courtois, sans fable. » Rien qui ne soit simple, rien qui ne soit donné non plus, mais ce qui s’offre l’est profondément, en un geste d’amour. Les derniers vers de ce long poème, Icare, le disent aussi : « Maintenant/l’énigme est sa demeure ouverte. »
Emmanuelle Rodrigues

Terre énergumène et autres poèmes,
de Marie-Claire Bancquart
Poésie/Gallimard, 201 pages, 9,30

Un monde vivant Par Emmanuelle Rodrigues
Le Matricule des Anges n°202 , avril 2019.
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