La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Histoire littéraire Fénéon, pas une de plus

juillet 2019 | Le Matricule des Anges n°205 | par Yann Fastier

Un classique du laconisme en littérature, par l’un des auteurs les plus discrets et les plus influents des lettres fin-de-siècle.

Nouvelles en trois lignes

Celui qui silence » disait Alfred Jarry de Félix Fénéon dans son Almanach illustré du Père Ubu et, certes, on ne lui donnera pas tort. D’abord parce qu’à de rares exceptions près – dont ces Nouvelles en trois lignes – son œuvre reste encore largement inaccessible. Éclatée, dispersée en fragments innombrables, elle fut surtout composée d’articles et d’interventions diverses et parfois anonymes dans une foule de revues et de journaux dont il lui arriva d’avoir la responsabilité (La Revue blanche, L’En-dehors de Zo d’Axa pendant l’exil de ce dernier…) Ni poète, ni romancier, il fut critique avant tout, au point d’en incarner pour beaucoup la figure exemplaire, tant il eut de nez dans ses choix : l’un des premiers à soutenir les impressionnistes et, surtout, les néo-impressionnistes (Seurat, Signac…), il encouragera également un certain nombre d’hommes de lettres dont la réputation n’était pas gagnée d’avance (Verlaine, Gide, Mallarmé et tutti quanti). Enfin, s’il fut éditeur, jamais il ne chercha personnellement à publier le moindre livre.
Taiseux, donc, il le fut encore en cultivant – à l’oral comme à l’écrit – l’art de ne jamais trop en dire. À cet égard, jamais sans doute n’y parvint-il avec autant d’éloquence que dans la rubrique qu’il tint pour Le Matin de mai à novembre 1906. Sept mois, soit 1210 dépêches d’agence réduites à leur plus simple expression, selon la contrainte imposée par le journal. Banquets, cérémonies, prix de vertus, faits divers surtout… chacun de ces tweets avant l’heure est en lui-même un roman, réduit à l’essentiel par un maître du raccourci : « Rue Myrrha, le fumiste Guinet tirait au petit bonheur des balles sur les passants. Un inconnu lui planta un stylet dans le dos. » Félix Fénéon ne fut pas seul à rédiger ces nouvelles, mais nul n’eut plus de talent que lui pour en éprouver l’épaisseur au-delà des faits bruts et, d’un mot, les faire passer du côté de la littérature.
Servis avec un flegme imperturbable, l’humour noir et l’ironie sont assez souvent de la partie : « Impossible d’éventrer le coffre-fort de l’horticulteur Poitevin, de Clamart. Dépités, les cambrioleurs incendièrent sa grange. » Cette distance qui, chez tout autre, passerait pour du cynisme, marque en réalité la mesure très exacte de la pudeur. Même en présence du plus horrible drame, Fénéon ne s’apitoie ni ne s’indigne, refusant au lecteur de le lui livrer « normalisé » par une sensiblerie de façade. Il n’est cependant pas bien difficile de deviner à qui vont ses préférences. Militant libertaire de toujours, il sera résolument du côté des pauvres : « Le mendiant septuagénaire Verniot, de Clichy, est mort de faim. Sa paillasse recelait 2000 francs. Mais il ne faut pas généraliser.  » De même qu’en pleine séparation de l’Église et de l’État, il ne perd jamais l’occasion d’ironiser doucement sur ces maires qui tiennent à « restaurer le vrai Dieu » sur les murs des écoles ou bien sur les curés s’opposant manu militari à l’inventaire de leur église. Ainsi fait-il œuvre de moraliste, tout en se payant le luxe de ne jamais asséner aucune morale. Dépêche après dépêche, tout un petit théâtre prend forme. Un théâtre de l’espèce humaine en proie à ses passions, innocentes ou funestes qui rappelle aussi bien l’art du haïku qu’il préfigure – humour mis à part – le Témoignage de Charles Reznikoff, dans sa détermination à presser le trivial jusqu’à en faire sourdre la poésie.
Réunies pour la première fois par Gallimard en 1948 sous l’égide de Jean Paulhan, dont Fénéon fut le mentor, les Nouvelles en trois lignes connaissent donc une nouvelle édition, après en avoir connu d’excellentes. Si celle-ci fait un peu le service minimum – ni introduction ni notes –, elle n’en est pas moins opportune à l’heure où l’on célèbre au Musée du quai Branly et jusqu’au 29 septembre ce grand collectionneur et promoteur des arts africains que fut l’homme à la barbiche, entre beaucoup d’autres choses.

Yann Fastier

Nouvelles en trois lignes, de Félix Fénéon
Libretto, 150 pages, 8,10

Fénéon, pas une de plus Par Yann Fastier
Le Matricule des Anges n°205 , juillet 2019.
LMDA papier n°205
6,50 
LMDA PDF n°205
4,00