Son nom s’est toujours chuchoté entre initiés et sa singularité a séduit des écrivains aussi différents qu’André Breton, Ernst Jünger, Bruce Chatwin ou Michel Houellebecq. L’Art et la Femme, le Diable, Dieu et le Vice – qu’il peint sans rien lui ôter de ses fascinations ni de ses envoûtements – l’œuvre de Huysmans regorge d’audaces et subjugue souvent par la volupté langagière qu’elle procure. C’est cet artiste jusqu’au bout des ongles, cet amateur d’insolite et de non-pareil, qui entre aujourd’hui dans la Pléiade avec ses Romans et nouvelles. Ne manquent que les derniers textes, ceux du converti : La Cathédrale, L’Oblat et Sainte Lydwine.
Né à Paris, en 1848, d’un père lithographe d’origine hollandaise et d’une mère institutrice qui lui donnera peu d’amour, Charles Marie Georges Huysmans – qui, par snobisme batave, transformera son prénom en Joris-Karl – sera engagé, dès son baccalauréat obtenu, comme employé de sixième classe au ministère de l’Intérieur. Il y accomplira toute sa carrière et y rédigera la plupart de ses livres.
Le jeune gratte-papier qui fréquente alors un Paris bohème et canaille ne va trouver que lentement sa voie littéraire propre. Sa première œuvre, imprimée à ses frais en 1874, s’intitulait Le Drageoir à épices – qui deviendra Le Drageoir aux épices, pour éviter l’hiatus – s’inscrit, comme les Croquis parisiens (1880), dans la lignée d’Aloysius Bertrand, de Rimbaud et des Petits poèmes en prose de Baudelaire. Deux recueils qui rassemblent une suite de morceaux de bravoure, évoquant dans une langue recrue d’épithètes et de métaphores brutales, des atmosphères de bals et de brasserie, des scènes vécues et des figures typiques du Paris fin-de-siècle où les gens du peuple se mêlaient aux demi-mondaines. S’il y fourbit les armes de l’« orfèvre extravagant » qu’il va devenir, Le Drageoir aux épices fut mal reçu et c’est vers la « bande à Zola » – Maupassant, Henri Céard, Léon Hennique, Paul Alexis – que Huysmans va se tourner. Il allait désormais remplir son drageoir de croquis de la vie faubourienne.
De cette orientation naîtra son premier roman, interdit en France, Marthe, histoire d’une fille (1876), la sœur aînée de Nana de Zola (1880). Il nous conte les tribulations d’une ouvrière en perles fausses que les misères de l’existence vont appeler à mener « une existence de fièvres et de soûleries, de sommeils vaincus ». Repérée par Léo, un jeune poète qui crut reconnaître en elle la femme « invraisemblable » et « insolemment fastueuse » dont il rêvait, elle va croire à l’amour, vivre un temps avec lui, avant de sombrer dans l’alcoolisme et la prostitution. Parlant plus tard de ce roman, Huysmans le comparera à « un vieil ovaire de jeunesse fécondé par un spermatozoïde de De Goncourt ».
C’est avec son deuxième roman, Les Sœurs Vatard (1879), que va venir le succès. On y partage la vie et les amours de Céline et Désirée, deux sœurs travaillant dans un atelier de brochage. Roman de la détresse...
Événement & Grand Fonds Écartelé entre la chair, le diable et Dieu
Fasciné par le péché et l’insolence des filles de rue, féru d’esthétisme, Huysmans (1848-1907), qui commença par le naturalisme et finit oblat des Bénédictins, est l’auteur d’une œuvre décapante et moderne. Il entre au catalogue de la Pléiade.