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Zoom La colère monte

novembre 2019 | Le Matricule des Anges n°208 | par Martine Laval

Histoire d’un jeune prolo insoumis dans l’Angleterre des années 50. Réédition de Samedi soir, dimanche matin, roman bourré de rage.

Samedi soir, dimanche matin

Il a tout du mauvais garçon, le parler, la dégaine, la machiste attitude, irritante en diable. Il est ouvrier, travaille à la chaîne, est payé à la pièce. Il s’en fout. Il est jeune, 20 ans, tête fougueuse et muscles d’acier, il trime, bat de vitesse ses collègues, gagne nettement plus. Et alors ? Chacun pour soi. Faut pas le chercher. Parfois, il cogne. Souvent, il boit. La baston et les pubs sont faits pour broyer et noyer les mornes heures des jours et des nuits vendues à l’usine. Ce gars-là se nomme Arthur Seaton. Il vit à Nottingham, dans une Angleterre qui se remet à peine de la Seconde Guerre mondiale. La fille qui couche avec lui, Brenda, une femme mariée à un gars de l’usine, lui dit : « Tu ne vois pas la différence entre le bien et le mal. » Ce à quoi il répond : « Non, je n’la vois pas. Et je n’veux pas, de plus, qu’on me l’apprenne. » Arthur Seaton est un rebelle, un sauvage, « un beau salopard » selon son propre frère. Il chamboule la morale et c’est tant mieux. N’empêche, il reste profondément individualiste, genre anar sans le vouloir. Le bel Arthur ne parvient ni à nommer ni à dompter la colère qui le ronge. Il tient des propos hallucinants sur les femmes (lire l’extraordinaire page 189) : « C’est toutes des putains. » Lui, s’il était marié et que sa femme le trompait, sait déjà comment réagir : « J’lui flanquerais la plus belle raclée que femme ait jamais reçue. Je la tuerais.  » Et voilà. No comment.
La littérature, on l’aime, on a besoin d’elle, car elle nous fait découvrir le monde, sa violence aussi. Alan Sillitoe (1928-2010), connu pour sa Solitude du coureur de fond, nous la jette en pleine figure, en plein cœur. Il est dit dans la préface très documentée que ce roman serait autobiographique. Alan Sillitoe & Arthur Seaton : même combat ? même hargne contre la société ? et contre les femmes ? Arthur n’est jamais qu’un personnage, souvent exécrable, parfois attendrissant, superbe reflet de son époque, ces années 50, qui, sur certaines choses de la vie, ne sont pas si éloignées des nôtres.
Alan Sillitoe excelle à raconter l’usine, les machines infernales, le boucan, les odeurs, la mécanique en branle qui transforme les corps en robot et anesthésie les méninges. Il met en scène des femmes et hommes de la classe ouvrière laminés, piégés dans leur solitude, le fameux « chacun pour soi ». Chez Sillitoe, peu d’entraide, pas de discours héroïque sur la révolution qui s’en vient, pas de grandes espérances, rien que du vécu, du sexe et de l’alcool, du brut, des mots à l’emporte-pièce ramassés sur les pavés, des phrases dynamite qui font exploser une sourde colère, un rythme narratif qui déboule à vif.
Anticonformiste et fataliste, dur à cuire et naïf, presque pathétique, Arthur Seaton effraie autant qu’il subjugue. Il n’est ni heureux, ni triste, c’est comme ça. Il a quand même un jardin secret : fuir vers le canal, jeter sa ligne et attendre.

Martine Laval

Samedi soir, dimanche matin, d’Alan Sillitoe
Traduit de l’anglais par Henri Delgove,
préface de Jacques Baujard,
L’Échappée, « Lampe-tempête », 282 pages, 20

La colère monte Par Martine Laval
Le Matricule des Anges n°208 , novembre 2019.
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