Tel Jan de Bont traquant les tornades en plein Midwest dans Twister, Nick Hunt poursuit les vents sauvages de la chaîne montagneuse des Pennines en Angleterre jusqu’en Provence. Mais ici pas de Jeep : à pieds, de montagne en plaine, souvent affamé, sous la pluie ou le soleil, le voyageur met son corps et son âme à l’épreuve d’un périple hors normes. Helm, bora, foehn ou mistral peuvent surgir d’un coup, et c’est souvent le narrateur lui-même qui est débusqué, soumis à la modification radicale du « son du paysage ». Sous les pas de Hunt, les vents deviennent tangibles, comme lors de sa rencontre avec la bora, « l’enfant terrible de l’Adriatique », cette « chose énorme qui flottait dans l’air. Les murs savaient qu’elle avançait ». Les vents exigent d’être éprouvés pour être racontés. Comme William Turner qui « demanda à être ligoté au pont du vapeur » pour peindre Tempête de neige, Hunt cherche le contact avec les vents qui coulent les navires, arrachent les toits comme les ponts, provoquent dépressions et suicides. Les vents ont deux faces témoigne Hunt, une positive et une négative. Quand le foehn souffle « les animaux sont agités, (…) les enfants incontrôlables », mais… que serait la Suisse si Guillaume Tell n’avait su naviguer avec le foehn ? Que serait la plaine aride de Crau sans le mistral ? Celui qui fait vibrer les toiles de Van Gogh, et le rend fou à force de décrocher ses chevalets. L’autre force du récit, c’est une curiosité insatiable pour les territoires, une immersion dans les paysages autant que dans l’Histoire. C’est qu’à l’aune des vents mauvais se lisent les guerres, le racisme quotidien – les populations soumises aux vents chauds du Sud seraient « condamnées à la sauvagerie »…
Les vents ont inscrit leur empreinte dans la mythologie, creusé les paysages, bouleversé l’esprit des hommes. Hunt en connaîtra les effets dévastateurs. Ainsi, pris au piège des vents, le récit devient une expérience vivante, et sa marche instable nous permet de sentir vraiment dans notre dos sa main et de l’entendre « hurler son vide à nos oreilles ».
Virginie Mailles Viard
Où vont les vents sauvages, de Nick Hunt
Traduit de l’anglais par Alexandra Maillard
Éditions Hoëbeke, « Étonnants voyageurs », 268 pages, 20 €
Domaine étranger Où vont les vents sauvages
mai 2020 | Le Matricule des Anges n°212-213
| par
Virginie Mailles Viard
Un livre
Le Matricule des Anges n°212-213
, mai 2020.