À l’occasion des cinquante ans de la mort d’Adorno, la revue Critique dresse un état des lieux de la réception du philosophe allemand en France. De sa non ou mélecture dans les années 70, jusqu’au travail acharné que mena Miguel Abensour pour le faire traduire dans sa fameuse collection « Critique de la politique » (créée en 1974 chez Payot et accueillie depuis 2015 aux éditions Klincksieck), on peut suivre par quelques articles le renouveau des études critiques de l’un des plus grands penseurs, avec Walter Benjamin, de la seconde moitié du XXe siècle : celui sur « Adorno épistolier » (autour des trois volumes de sa correspondance avec Horkheimer), la parution récente d’Adorno, un des derniers génies (Detlev Claussen) dont Jean Daive synthétise certaines grandes lignes, ainsi que « Adorno enfin lu ? » où Daniel Payot rend compte, entre autres, du remarquable Où en sommes-nous avec la Théorie esthétique d’Adorno ?
L’introduction de Michèle Cohen-Halimi, impeccable quant à sa précision et son art pédagogique, rappelle ce que furent « L’École de Francfort » (Horkheimer, Pollock, Adorno, Löwenthal, Marcuse, etc.) et le travail de la Théorie critique, quel laboratoire il inventa, « intensités de pensées (…) visant au renouvellement de la tâche critique marxiste, à l’évaluation de la crise politique et sociale du monde capitaliste ». La « non-pénétration » (selon Foucault) de cette œuvre, qui buta sur trois moments de rejet – le structuralisme, le marxisme althussérien et l’influence de Heidegger en France sur de nombreux intellectuels (qu’Adorno pourfend dans son Jargon de l’authenticité en 1964) –, semble aujourd’hui laisser place à de véritables approches de ses analyses, acérées et lucides, et à ce qu’elles permettent d’envisager comme tâche critique « au nord du futur ».
E. L.
Critique N°871 (« Adorno : suites françaises »),
90 pages, 12 €
Revue Critique n°871
mai 2020 | Le Matricule des Anges n°212-213
| par
Emmanuel Laugier
Un livre
Par
Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°212-213
, mai 2020.