Il y a les humains et il y a les ressemblants. Les humains sont nés et ils mourront. Les ressemblants, travailleurs infatigables, ont été produits et ils sont immortels, reprogrammables et téléchargeables à l’infini. Tous cohabitent sur le six millième vaisseau, en orbite au-dessus de La Nouvelle découverte, d’où les pilotes ramènent régulièrement de mystérieux objets. Que sont-ils exactement ? Sont-ils vivants ? Communiquent-ils, d’une façon ou d’une autre avec les employés qui les entretiennent ? Les ressemblants, surtout, réagissent à leur présence, au point de donner des signes imprévus d’évolution…
Nous voilà donc en pleine science-fiction. Une SF dépouillée toutefois de ce qu’elle doit encore, bien souvent, au roman d’aventures : ici, le récit tient plus de l’audit que de la saga. Il progresse au fil d’une centaine de dépositions devant une commission chargée d’enquêter sur des événements dont on devine peu à peu la nature. Certaines tiennent en une ligne (« Je sais que vous dites que je ne suis pas dans une prison ici, mais les objets m’ont dit le contraire »), d’autres sont un peu plus longues mais toutes sont révélatrices de ce qui se joue sur le vaisseau, où un humain a été tué.
On le sait depuis Simak et Bradbury : le meilleur carburant de la science-fiction n’est pas le propergol mais la mélancolie. La forme « au pointillé » de ce roman troublant peut bien affecter la froideur d’un rapport, c’est la mélancolie – ou disons plus exactement une sorte de saudade de l’espace – qui en remplit les blancs, nombreux, en deçà de toute prospective techniciste.
C’est d’ailleurs l’art, plutôt que la science, qui est à l’origine du livre. La jeune Olga Ravn (Les Employés est son deuxième roman) avoue sa dette aux objets et aux installations de l’artiste contemporaine Lea Guldditte Hestelund. L’éditeur, quant à lui, en appelle au Solaris de Stanislas Lem. C’est pas faux.
Yann Fastier
Les Employés, d’Olga Ravn
Traduit du danois par Christine Berlioz et Laila Flink Thullesen,
La Peuplade, 161 pages, 18 €
Domaine étranger Les employés, d’Olga Ravn
mai 2020 | Le Matricule des Anges n°212-213
| par
Yann Fastier
Un livre
Les employés, d’Olga Ravn
Par
Yann Fastier
Le Matricule des Anges n°212-213
, mai 2020.