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Poésie Un artisan du langage

juillet 2020 | Le Matricule des Anges n°215 | par Emmanuelle Rodrigues

De Caisse claire au livre posthume Personne, la même quête de sensible se poursuit : douce et lumineuse, la voix d’antoine emaz s’appuie sur un regard toujours au plus près du geste d’écrire.

Caisse claire : Poèmes 1990-1997

Né en 1955 à Paris, Antoine Emaz est décédé en 2019 à Angers, où il vivait. Depuis les années 80, son œuvre désormais importante s’inscrit dans la lignée de poètes comme Reverdy, Guillevic, ou encore Du Bouchet sur lesquels il a mené également une réflexion de critique littéraire. Déjà édité en 1996, le poème intitulé Personne donne son titre à ce recueil qui vient de paraître. Conçus à plus d’une vingtaine d’années d’écart, quatre autres ensembles de textes diversement publiés entre 2017 et 2018 attestent d’une même exigence : écrire signifie bien patience, peine, doute et intranquillité. Il y a là tout un travail d’épure, une langue précise, imagée, axée sur l’essentiel : la justesse d’un instant vécu, que les mots dans leur réalité nous aident à pressentir. Dire le monde, et cela même sans perdre de vue de l’observer, d’en saisir l’exactitude, le mouvement des vagues, ou l’agitation du vent qui va et vient dans le feuillage d’un arbre. Faire que l’indécision du geste, celle qui fait hésiter, n’oblitère pas l’élan initial mais le poursuive, et que la voix qui s’élève, quoiqu’indéfinie, reste présente à ses questionnements, tout en les mettant à distance, pour en saisir le frémissement, la vie même.
Tel un artisan des mots, toujours à l’œuvre, l’auteur invite le lecteur à le suivre dans son lieu d’écriture qu’il désigne en ces termes, « un lieu, loin, ici ». Situé en quelque sorte à une certaine distance, cet ici et maintenant, où engager le regard, où sentir « un sol/ laissé par l’eau basse/ mouillé tassé serré/ sous le pas », tel est « ce pays épars dans les mots » et ceux-là « en même temps qu’ils le disent/ ils le gomment/ et le redonnent quand il n’est plus/ ils font ce qu’ils peuvent/ malgré tout/ encore un peu/ il faudrait de l’air/ remettre du vent/ dans tous les blancs ». Capter l’émotion, la faire refluer dans les mots, et passer du sensible à l’intelligible, voilà la tâche ardue. C’est bien là, pour reprendre l’expression dont use Ludovic Degroote dans sa préface, « l’ambivalence de l’écriture emazienne ». Ce qui s’avère de prime abord tenir à peu, n’être la parole de personne, car il n’importe, se révèle porteur d’une expérience, l’écho d’une pulsation, le pouls même d’un cœur qui bat. Si toute référence autobiographique ou personnelle n’entre pas ici dans le champ de l’écriture, Antoine Emaz n’en délaisse pas pour autant son obsession de faire exister la réalité du monde. Et quand celle-ci se fait, comme le dit Ludovic Degroote, changeante, mobile, les présences qui la traversent, y apparaissent comme des passants. S’atteler à dire ce qui n’est déjà plus mais le traduire pourtant en mots, c’est la grande force dont cette œuvre témoigne. Ainsi, l’un des très beaux poèmes de ce recueil, indique-t-il, « un lieu sûr sans lieu/ nulle part/ ici », pour constater ensuite, «  mais il n’y a plus grand monde/ aussi/ sauf une tête une langue/ tant que tête/ et langue/ / après/ ce sera vraiment fini ». De même, on pourra lire Plein air qu’il faudrait pouvoir citer en entier pour en relever toutes les images successives, variations sur le seul motif d’un « long linceul », qui donne lieu à l’évocation d’un linge claquant au vent mais aussi une voile, un suaire, tout comme si en une sorte de mise en abyme surprenante, l’auteur tissait là un ultime poème à même quelques derniers mots.
Grâce à la réédition de Caisse claire, l’anthologie établie par François-Marie Deyrolle en 2007, on mesure à quel point d’emblée pleinement affirmée la voix d’Antoine Emaz se fait déjà entendre. On y retrouve, qu’il s’agisse d’évoquer la mort, la maladie, notre finitude, une parole d’autant plus nécessaire et vitale qu’elle rehausse notre présence au monde. Voir, sentir, s’émouvoir, c’est encore œuvrer poétiquement, ainsi que Poème Loire l’explicite admirablement : « Peut-être cela, une lumière tendue douce un jour puis d’autres, non pas la même et cependant assez particulière pour déposer dans les mots les yeux. On va de la langue jusqu’au lieu aussi bien que de lui aux mots, maintenant. » C’est bien à un tel dialogue que ces textes invitent à demeurer attentif, aussi bien qu’à s’y tenir prêt.

Emmanuelle Rodrigues

Antoine Emaz
Personne, préfacé par Ludovic Degroote,
Unes, 64 pages, 16
Caisse claire : Poèmes 1990-1997,
anthologie établie par François-Marie Deyrolle,
postface de Jean-Patrice Courtois,
Points, 235 pages, 7,90

Un artisan du langage Par Emmanuelle Rodrigues
Le Matricule des Anges n°215 , juillet 2020.
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