Un livre

Disparaître dans la nature

de Evan Ratliff

Editions Marchialy

Le livre regroupe deux articles parus en 2009 dans la revue Wired. Le premier retrace l’enquête menée par Ratliff sur Matthew Sheppard qui en 2008 se fit passer pour mort par noyade. « Le moyen le plus simple de disparaître reste de convaincre tout le monde de votre mort. Le décor choisi est le plus souvent une grande étendue d’eau : là où un corps peut facilement couler ou être emporté, ce qui explique l’absence de cadavre ». Sheppard, cadre surendetté, avait bien préparé son coup, avec la complicité de sa femme Monica. Objectif : empocher l’assurance-vie. C’était compter sans le coriace « sergent Alan Robertson du bureau du shérif du comté de Cleburne ». Au terme d’une traque de six mois dans plusieurs États du Sud, mari et femme sont pris, jugés, et Sheppard enfin coffré avoue le burn-out : « J’ai vécu la période la plus difficile de ma vie sur le plan physique, mental et familial. Je serais prêt à aller bosser chez McDo ». Le second texte relate la propre tentative de Ratliff pour s’évaporer, un jeu grandeur nature : Wired a promis 5000 dollars à qui, en moins d’un mois, identifiera le fuyard et se signalera à lui par le mot « fluke » (« coup de bol »). S’ensuit le récit à suspense, façon road-movie, de la cavale du journaliste dans tout le pays : dark web, travestissements dont une fausse moustache, motels miteux, portables intraçables et bus Greyhound. Mais à l’heure d’Amazon, de Twitter et de Google, comment se fondre dans le vert avec à vos trousses une meute de chasseurs de prime ultra-connectés, dont un geek de 16 ans, lequel renifle votre piste de son sale museau d’ado acnéique ?
Outre une double enquête de journalisme gonzo à la Hunter S. Thompson, Evan Ratliff nous livre une réflexion acide sur nos sociétés de contrôle, et, l’air de rien, un précieux petit manuel de clandestinité.

Jérôme Delclos

Disparaître dans la nature
Evan Ratliff
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Charles Bonnot
Marchialy, 130 pages, 17 €