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Histoire littéraire De « l’art de foutre le bordel »

février 2021 | Le Matricule des Anges n°220 | par Jérôme Delclos

Un canular politique sorti des années de plomb, possiblement commis par un ex-situationniste italien. Réédition.

Le Secret c’est de tout dire !

C’est un livre à l’histoire éditoriale encombrée. Imprimé anonymement en 1983 à Vérone, puis en 1989 sous le nom de « Gianni Giovannelli » révélé par Allia qui réédite aujourd’hui sa traduction française, Le Secret c’est de tout dire !, en dépit de son titre, continue de se taire sur l’identité de son auteur. Notons que ce « Gianni Giovannelli », qui certes écrit encore, de nos jours, sur le blog d’extrême gauche Effimera, postule ainsi à l’incarnation. Toutefois sa signature, pourquoi pas d’ailleurs collective, ne nous dit rien de qui se cache derrière le masque. Guy Debord, dans le dernier tome de sa Correspondance, signalait Gianfranco Sanguinetti – théoricien politique connu sous le pseudonyme de « Censor » pour son canular Véridique rapport sur les dernières chances de sauver le capitalisme en Italie – comme étant l’auteur d’Il Segreto è dirlo. Mais Sanguinetti, dernier rescapé de la purge par Debord de la branche situationniste italienne, et qui aujourd’hui anime un blog sur le site de Mediapart, s’est toujours défendu d’être Giovannelli.
En somme, un faux se faisant passer pour vrai, un « hoax » comme on dit en anglais. Par jeu, comme ce fut la mode en Italie durant les années de plomb (ainsi du journal satirique Il Male qui diffusa un faux Corriere della Sera montrant l’arrestation de l’acteur Ugo Tognazzi) ? Pas seulement, dans la mesure où cette prétendue autobiographie de « Salvatore Messana », roman d’aventures que l’on peut pourquoi pas aussi lire simplement comme tel, fournit cependant à son lecteur des conseils et méthodes pour « faire cracher le patron », ce dans un contexte de surveillance policière, en 1983 encore, tout ensemble des gauchistes, marginaux, truands, traîne-savates et entourloupeurs de tous poils, dont regorgeait alors la botte de l’époque des Brigades rouges.
Scellant le pacte autobiographique, le livre s’ouvre sur l’adresse suivante au lecteur : « Je suis né le 6 février 1937 à…, une petite ville des Pouilles à peine plus importante qu’un bourg, misérable et constamment noyée de poussière ». Ce décor de Mezzogiorno une fois planté, le narrateur, « Salvatore Messana », commence dans la rue avec une bande de scugnizzi, des « enfants voleurs » au lendemain de la guerre, à faire les poches des soldats américains. Adolescent, une liaison avec une femme dont il craint le mari le contraint à s’embarquer sur un rafiot. Il s’exerce un temps au trafic de came, se ruine en putes lors des escales, démonte la nuit des morceaux du bateau pour les vendre, et se fait prendre. Battu à mort, il est enchaîné à fond de cale, se voit fini. Débarqué en piteux état à Dakar, il s’y requinque jusqu’à son retour au pays. Là commence ce qui fait le meilleur intérêt du livre, dans l’évocation de Milan (« On l’aime ou on la déteste violemment »), de l’effervescence politique qui y règne dans les années 1970, occasion surtout de rencontres avec une faune interlope : « des filles fugueuses, des étudiants de banlieue, rejetons d’illustres familles, des sous-prolétaires, sans oublier les inévitables espions et des malfaiteurs sans scrupules qui n’hésitaient pas à voler le peu que nous possédions ». Le narrateur, rebelle sans cause, se tient à distance de la violence révolutionnaire, rend toutefois de petits services – rédaction et tirages de tracts. Puis très vite, la galère, les petites combines qui se transforment en grosses, et surtout la mise en place méthodique, qu’il convient de laisser au lecteur le plaisir de découvrir, de plans pour se faire licencier d’emplois recherchés seulement à cette fin, ce en « semant le bordel » par tous les moyens : intimidation, sabotage, chantage, menaces de grève ou d’émeute pour obtenir du patron le versement d’une prime de départ conséquente.
Dans la préface à la nouvelle édition française, le ton est doux-amer : « Ces aventures se déroulent à une époque de révolte, alors que c’est plutôt la peur qui règne aujourd’hui. Mais il suffit d’un rien pour que tout change à nouveau  ». Ce « rien » est assez simple : « Quand j’ai l’occasion de jeter la première pierre sur ceux qui détiennent le pouvoir, je m’offre sans hésiter ce plaisir, en visant de préférence la tête  ».

Jérôme Delclos

Le Secret c’est de tout dire !
Gianni Giovannelli
Traduit de l’italien par Monique Baccelli
Allia, 157 pages, 10

De « l’art de foutre le bordel » Par Jérôme Delclos
Le Matricule des Anges n°220 , février 2021.
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