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Domaine étranger Un vent de folie

mai 2021 | Le Matricule des Anges n°223 | par Éric Dussert

Terriblement étrange, l’œuvre romanesque d’Edgar Mittelholzer se révèle pourtant très drôle parfois, envoûtante toujours.

Le Temps qu’il fait à Middenshot

Edgar Mittelholzer a tourné autour de la folie avant d’y sombrer. On s’en doutait un peu après avoir lu Eltonsbrody (Éditions du Typhon, 2019), un sombre roman de 1960 qui a pris pour scène une maison isolée sise sur une île des Barbades. Dépeigné par le vent, complètement dépassé par les événements angoissants qu’y narre Mittelholzer, on avait peiné à distinguer dans cette œuvre aux allures gothiques la vérité des vivants et la disparition des morts. Un Alfred Hitchcock métis porté sur les travaux d’écriture, voilà ce qu’évoque ce diable d’Edgar, si envoûteur qu’on a l’impression d’avoir à notre insu pénétré l’univers vaudou décrit par William Seabrook dans L’Île magique (L’Éveilleur, 2019). Si le talent littéraire d’Edgar Mittelholzer n’avait pas été détecté par le mari de Virginia Woolf, l’éditeur Leonard, on parierait qu’il était le fils de Lovecraft et de l’une des sœurs Brontë, un petit frère d’Alice qui nous raconterait des histoires folles. Avec la quatrième pièce de sa bibliographie traduite en français, Le Temps qu’il fait à Middenshot (1952), on aborde un livre plus phénoménal encore – ce qui paraît difficile ne l’est donc pas pour ce surprenant personnage à qui le mot « impossible » ne disait probablement rien, piètre garde-fou pour un esprit fragilisé par des dépressions à répétition : le 5 mai 1965, Mittelholzer s’aspergeait d’essence dans un champ du Surrey et s’immolait.
Cet épisode tragique pourrait avoir pris place dans Le Temps qu’il fait à Middenshot. Ce livre appartient à la grande époque du Caribéen qui, le premier, se fit remarquer en Europe, et le roman est imprégné de ses préoccupations : violence, folie criminelle des hommes, avec en contrepoint l’amour sous toutes ses espèces, grand, sexuel, filial ou paternel. Le livre est découpé en trois parties attribuées à trois phénomènes météorologiques, comme si nos vies étaient vouées à subir les épreuves imposées par le vent, la neige et la pluie, ces grands pourvoyeurs de mélancolie. Une fois encore, « Dans la cheminée le vent gronde et grince, comme un génie malfaisant qui se serait délivré du pommier, tout au fond du jardin, pour remplir la maison d’une sourde épouvante. » On se plaît à retrouver l’ambiance trouble d’Eltonsbrody, dans un village anglais cette fois, parmi les champs, les bois qui ceinturent le hameau et un fou criminel échappé d’asile qui rôde et tue à peu près chaque soir voisin ou voisine… Sans doute faut-il taire les détails d’un récit à caractère policier… La moindre de ses surprises n’étant pas une discussion filée sur la justice humaine, une interrogation sur l’euthanasie des fous criminels et sur l’amour résigné des uns et des autres. L’arrivée subreptice d’un duo de policiers, qui n’est pas sans évoquer celui de Dupont et Dupond, culbute encore le récit qui avait pris un tour plus que faste avec l’intervention décisive d’un père caractériel très, très singulier. Faisant mine de ne visualiser sa femme autrement que lors de croquignoles séances de spiritisme, il ravit le lecteur en lui offrant d’efficaces séances de musculation des zygomatiques et en singeant les discours psychanalytiques pour justifier ses virées nocturnes : « Alors, si à soixante-trois ans je désobéis à mon surmoi, si j’aime rôder dans le voisinage à la recherche de cadavres et de vieilles enveloppes, n’est-ce pas pour me venger du mal irréparable que m’a fait ma mère ? Je m’aperçois que ton éducation a été honteusement négligée, ma fille. »
On n’aura probablement pas en cette fin de printemps de livre plus original à se mettre sous l’œil, notamment parce que l’on peut y frémir tout son saoul, tandis que « Le génie malfaisant hurle dans le vent des menaces nouvelles et, dans une maison lointaine, une persienne se met à battre comme secouée par la main d’un squelette. » Habité par des personnages plus touchants les uns que les autres, lancés sur un rythme quasi cinématographique, Le Temps qu’il fait à Middenshot tient la gageure de déborder d’humour (noir) en déployant plaidoyers pour la courtoisie (page 288) et pour l’amour, au milieu des cadavres, qui, soit dit en passant, sont eux aussi de la plus extrême élégance et d’une discrétion digne de gentlemen. Décidément très british, ce Mittelholzer. Un romancier délicieux.

Éric Dussert

Le Temps qu’il fait à Middenshot
Edgar Mittelholzer
Traduit par Jacques et Jean Tournier
Révisée par Yves et Florian Torres
Éditions du Typhon, 344 pages, 19

Un vent de folie Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°223 , mai 2021.
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