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Histoire littéraire Mélancolies prolétaires

juin 2021 | Le Matricule des Anges n°224 | par Éric Dussert

Roger Riffart réédité, André Hardellet plébiscité : la littérature du peuple ne disparaît pas du paysage éditorial.

La Grande Descente

Les Jardiniers du bitume

Chez Temporel. Célébration d’André Hardellet

À l’heure où l’on veut planter des verdures partout, la réédition des Jardiniers du bitume de Roger Riffard paraît couler de source. Ce livre de 1956 appartient à la très excellente récolte des éditions Julliard qui menaient alors la danse avec les éditions Denoël. Après Jacques Yonnet, Jean-Paul Clébert, André Vers ou Claude Seignolle, il était inévitable qu’on aborde enfin Roger Riffard, le plus discret des mâles de la bande des touche-à-tout de l’immédiat après-guerre (pour les filles il faudra attendre encore un peu). Riffard eut beau courir les cachets de caf-conc’ entre Anne Sylvestre et Boby Lapointe tout en faisant de petites apparitions à l’écran pour Bertrand Blier ou Claude Zidi, la notoriété ne lui fut jamais favorable. Sa naissance à Villefranche-de-Rouergue le premier avril de l’année 1924 fut probablement fatale au sérieux de ses mânes finalement insoucieux. Même la fréquentation de Georges Brassens et l’admiration de ce dernier n’avaient jusqu’à présent pas excité de velléité rééditoriale pour les deux romans de sa trentaine, La Grande Descente (1954) et Les Jardiniers du bitume. Pour le narrat, comme dirait Antoine Volodine, on voit Marcel Cossu et Alexis Plantin se débattre dans leur condition d’hommes et d’ouvriers pour une entreprise de transports ferrés – emploi qui fut aussi à ses débuts celui de Riffard. Dans le premier, une sale affaire qui se solde avec double mort d’hommes, pur fruit de rancunes bien compotées, conduit à la dégringolade d’un jeune gars pas plus mauvais qu’un autre. Dans le second, un rêve maraîcher s’effondre parce qu’un enfant est emporté par la maladie. Pour le ton et le propos, c’est en aimable faubourien qu’écrit Riffard qui jongle un peu avec l’argot et les figures typiques – assez réussies il faut dire –, au point que l’on a l’impression de s’immerger à nouveau chez Philémon, vieux de la vieille de Lucien Descaves (1913) : dans les odeurs de fromage et de cuir frais, une France disparue qui vivait à l’économie, où on jouait « Agamemnon dans la troisième », où un homme portait son couteau pliable sur lui, où la virilité comptait autant que la capacité à descendre un coup… Sensible au langage oral et aux effets de mots, comme ces « oculaires vilebrequins » et cette « pesante harasse » (colis de poids) qui plurent à Brassens, Riffard nous fait pénétrer « l’immobilité suffocante du peuple » aux puces de Vanves : au dessein universel, il préféra l’anecdote et la scène de genre, produisant deux livres noirs comme des surgeons naturalistes à une époque où le grand roman à thèse et le polar américain dévoraient la concurrence comme des enzymes gloutons. Lorsque Riffard s’est éteint, le 28 octobre 1981, il n’était déjà plus considéré comme un romancier.
Pour André Hardellet (1911-1974), auteur majeur de l’entre-deux, d’identique extrace, l’affaire n’est pas la même : il a toujours eu son lectorat fervent et des sectateurs partout. Pour autant, il faut sans cesse promouvoir son œuvre comme ce fut le cas pour Bove ou Calet – eh oui… durant des lustres. Hardellet, le sensuel amateur de Lourdes, lentes…, le poète lumineux de La Cité Montgol, aimable faubourien lui aussi, ami d’André Vers itou, méritait bien une aimable hagiographie. Patrick Cloux l’a rédigée, réclamant réévaluation de son œuvre. Elle est « possible maintenant qu’on a commencé à reconnaître l’importance des écrits à part, les raccourcies tenaces du voyage intérieur, longtemps considérés comme mineurs. Le vibrato d’un poème en prose au cœur d’un récit ou d’un choix de nouvelles, les formes brèves, la vivacité d’une image, les fantaisies surannées, les retours de basse de la voix de l’auteur font enfin convergence ». On n’a pas fini de s’arsouiller chez Temporel…

Éric Dussert

La Grande Descente & Les Jardiniers
du bitume,
de Roger Riffard
Bouclard, 144 et 128 pages, 17 et 16
Chez Temporel. Célébration d’André Hardellet
Patrick Cloux
Le Temps qu’il fait, 164 pages, 18

Mélancolies prolétaires Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°224 , juin 2021.
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