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Zoom Tous les matins du monde

juillet 2021 | Le Matricule des Anges n°225 | par Martine Laval

L’écrivain italien réinvente le récit de voyage en suivant les pas d’un montagnard. Quand l’émerveillement rencontre la simplicité des jours.

Jours à Leontica

Certains écrivains racontent volontiers qu’ils attendent des mois que mûrisse la première phrase, celle qui par enchantement (!) fera le reste. D’autres, qu’ils passent davantage de temps à couper, élaguer, triturer qu’à écrire. Ces affres de l’écriture semblent épargner l’Italien Fabio Andina tant sa narration coule comme une rivière verte et silencieuse, avec cette limpidité, cette fausse facilité chères à Hubert Mingarelli. Sans doute est-ce un leurre, sans doute l’auteur a-t-il patiemment et joyeusement trituré ces Jours à Leontica, son premier livre traduit en français. Roman en forme de récit – on imagine que le narrateur est Fabio Andina, mais qu’importe – il s’ouvre ainsi : « C’est lui qui frappe et me réveille. Il n’est même pas cinq heures et demie. » Et hop, le raconteur d’histoires dévale les escaliers, sort de sa cabane et c’est parti pour deux cent cinquante-deux pages d’escapades insolites en compagnie de son guide et mentor « le » Felice, « nonante ans », un des rares habitants de Leontica, village des Alpes tessinoises.
Ainsi, chaque matin que la planète fait, alors que le coq n’a pas encore chanté, qu’il neige ou pas, le Felice grimpe la montagne en short et les pieds nus et s’en va prendre son bain à 1400 mètres d’altitude, dans une gouille, un trou d’eau, pure, fraîche sinon glacée. Il se savonne, se sèche au vent, redescend au village, et attaque sa journée, en tous points identique à celle d’hier, mais avec une fringale et une énergie toujours renouvelées. Éplucher les pommes de terre, l’ail et les oignons, préparer une tisane d’herbes sauvages, saluer les uns et les autres, déblayer la neige sur le chemin, lire ou faire semblant de lire le journal au café, allumer le feu, se faire une virée en guimbarde, tenir au chaud ses secrets, et chaque fois que le soleil est de la partie, s’assoir bien droit sur le banc devant sa maison car « même rester à attendre c’est faire quelque chose ». Immuable, avec cette force tranquille à titiller bien des envieux trop énervés, le Felice (dont on sait peu de choses) vit sa vie. Il n’a rien à prouver sinon à lui-même son bon plaisir. Ce qui ne l’empêche jamais d’être attentif aux autres. Il est une sorte de sage ou peut-être est-ce un mirage dans le cœur de l’auteur. Le Felice est sans esbroufe, c’est un pur, un jouisseur ou un philosophe, un hurluberlu ou tout simplement un homme libre. Fabio Andina est en adoration devant son personnage : « Je l’observe, et je vois un homme de nonante ans qui vient de passer une nouvelle journée semblable aux précédentes, mais si dense et unique. » Après un autre bain : « Le Felice laisse échapper un soupir d’extase tandis que ses yeux se remplissent de montagnes lumineuses » Plus loin encore, l’écrivain lui met sur les lèvres des silences profonds et des phrases à défier l’éternité : « Ça t’arrive jamais d’avoir besoin de rester seul dehors la nuit, sans rien dire ? Je ne trouve rien à lui répondre. »

Martine Laval

Jours à Leontica,
Fabio Andina
Traduit de l’italien par Anita Rochedy
Zoé, 252 pages, 21

Tous les matins du monde Par Martine Laval
Le Matricule des Anges n°225 , juillet 2021.
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