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Poésie D’innocence et d’extase

juillet 2021 | Le Matricule des Anges n°225 | par Richard Blin

La prose poétique de Gustave Roud (1897-1976) tend à sublimer par le chant, les discordances d’une vie marquée par le manque et l’incomplétude.

Essai pour un paradis suivi de Pour un moissonneur

À la fois humble et douloureuse, éperdue et blessée, l’œuvre de Gustave Roud, l’un des grands noms de la littérature de Suisse romande, a quelque chose de bouleversant. Comme poète et comme homme, c’est un être à l’écart, qui restera fidèle à la ferme familiale, sur les hauts plateaux du Jorat, dans le canton de Vaud. Sa santé fragile l’ayant contraint à renoncer aux travaux des champs, il se partagera entre l’étude, l’écriture et la traduction (Novalis, Hölderlin, Trakl…). Mais ce sera surtout un infatigable marcheur, un poète de l’errance en quête de paradis. Une œuvre mince, qui parle à voix basse, et dont deux jalons majeurs – Essai pour un paradis (1933) et Pour un moissonneur (1941) – sont réunis dans un volume, ponctué de photographies prises par l’auteur.
Essai pour un paradis, un livre dont le titre dit combien Roud est un poète qui doute, est dédié à l’ami paysan grâce auquel il a touché du doigt le « paradis humain ». Un paradis qui n’est pas le paradis chrétien mais celui que Novalis voyait épars dans l’univers. Après une première partie, Nuit, où le poète meurt dans un rêve nocturne et renaît avec un corps neuf dans le réel solaire, Année s’organise autour des rencontres avec Aimé, l’ami paysan, l’ange intercesseur du paradis humain. Objet du désir, réceptacle des projections amoureuses, il focalise la contemplation désirante et incarne l’innocence. « Tout me dit que je ne me mens pas à moi-même, que cette parfaite innocence, déchirante, sublime parce qu’éternelle, ce n’est pas moi qui l’imagine. Elle est là devant moi comme quelque chose d’inaccessible en même temps que d’impérieux. Elle change le monde ; elle abolit le temps ; elle fait naître un climat miraculeux où la beauté seconde n’est plus le fruit d’un divorce, mais d’un accord. »
Ces rencontres avec Aimé aux champs, Aimé qui fauche ou se repose, se produisent essentiellement par le regard, un regard qui avive le sentir tout en maintenant une distance – « Il faut que ce regard comme un poison ou “comme une eau pure” me donne rafraîchissement, rassasiement. » – car il ne saurait être question pour Roud, douloureux prisonnier de ce qu’il nomme discrètement sa « différence », de franchir « la vitre infrangible de l’impossible » Un refus du charnel donc qui suscite la sublimation, provoque d’intenses instants d’extase. Le temps s’arrête, le présent devient quasi transparent, le monde semble se diluer dans un fragment d’éternité. L’auteur se sent au paradis. « Un homme a fait éclore en moi ce paradis humain qui gît épars dans notre corps, dans notre cœur – par sa seule présence. »
Ces moments qui ouvrent sur l’ailleurs d’un paradis juste entrevu, les délices de cette secrète parenté d’une terre et d’un corps, ces fruits d’un désir demeuré désir, Roud les rapporte avec une délicatesse émerveillée et presque craintive. Parce qu’à ces instants de grâce succèdent toujours de difficiles retours à la solitude, à l’abattement ou à la culpabilité. « Tu as traversé son paradis, tu t’es nourri de son bonheur comme un vampire. Que lui as-tu donné ? »
Ces instants d’accord charnel avec le monde, quand tout devient chant et consonne autour d’un corps, on les retrouve dans Pour un moissonneur, dédié à un autre ami paysan. Constitué de quatre grandes proses liées aux quatre saisons et encadrant un poème central, Bain d’un faucheur, ce livre n’est qu’ondoiement du sensible, entremêlement d’imaginaire et d’énergies latentes, fragrances et saveurs. À l’image de l’art qu’a Gustave Roud de transfigurer le pâtir en instants paradisiaques.

Richard Blin

Essai pour un paradis suivi de
Pour un moissonneur
Gustave Roud
Zoé poche, 128 pages, 8,50

D’innocence et d’extase Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°225 , juillet 2021.
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