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Domaine français Tout un cinéma

octobre 2021 | Le Matricule des Anges n°227 | par Guillaume Contré

Dans un roman bref et enlevé, Élodie Issartel fait un portrait touchant d’une jeune femme pleine de vitalité qui tente de se frayer un chemin à Paris.

Être provinciale, monter à Paris, y réussir ou pas, se sentir un peu perdue, s’obstiner, être à la fois tête de mule et à côté de la plaque, bouillir en dedans, fuir de partout, vouloir ruer dans les brancards sans y parvenir ou sans oser vraiment, faire défiler les passions et les emportements dans sa tête tout en trébuchant sur les trottoirs du réel : Lucie, l’héroïne au « naturel stupéfiant » de ce bildungsroman condensé, venue étudier le cinéma dans la capitale, ne tient pas en place. Elle est de ses personnages qui cherchent à trop embrasser car ils n’ont pas su clairement canaliser leurs désirs, l’énergie semble aussi prête à déborder qu’à se dégonfler : « elle enfile ses baskets tchèques, sautille, elle est prête, ses rebonds sont ceux d’une détente de boxeuse », la voici au top, puis « elle aperçoit son reflet dans une vitrine, Tu es pathétique, les cheveux, la dégaine, rien ne va ».
Dans le couloir, au milieu des étudiants en cinéma, ses camarades qu’elle observe avec méfiance, comme si elle n’était pas à sa place, « tout le monde cherchait à savoir qui était qui », mais « personne ne lui a demandé, elle, qui elle était, et c’est tant mieux car elle aurait été incapable de répondre ». Surtout pas à la petite blondasse qui roule des mécaniques et que le professeur n’arrête pas de reluquer. Lucie pourrait pourtant dire, mais ne le fera pas, face à ces jeunes qu’elle, la petite-fille de paysans, pire « d’ouvrier agricole », se figure bien-née, qu’elle bosse dans une friperie, avec un jeune collègue déluré, au milieu d’une clientèle snob, et que ce travail c’est aussi « son petit nid, sa cabine, son cocon ». Alors, « pourquoi s’emmerder » avec l’école de cinéma, ses désirs confus d’images, de réalisation, à quoi bon se coltiner ce professeur qui la prend de haut ou pour une cruche, elle et « sa mentalité d’hôtesse de province » ?
Out of the blue est un roman de son temps et les réseaux sociaux, les slogans (auto) promotionnels hâtivement postés et les messageries instantanées avec leurs jeux de séduction appauvris, font partie de l’équation, ce qui n’aura rien d’étonnant s’agissant d’une héroïne d’à peine 20 ans. Reste à savoir si l’obsession qu’ils représentent – la pauvre culture d’une pauvre image de soi placardée en direct sur Instagram – aura la valeur « d’une fable pleine de symboles et de signes ». Lucie, quoi qu’il en soit, tandis qu’elle parcourt la capitale, entre deux consultations de son téléphone et deux tentatives de concevoir le hashtag ultime, s’amuse à déceler des alexandrins et autres métriques poétiques ici ou là. Comme une manière de chercher les traces du sensible. Des signes, effectivement.
Son personnage est un parfait condensé de sensibilité exacerbée et de désir de rébellion. Pas étonnant qu’elle s’identifie à Linda Manz, l’actrice principale punk du film de Dennis Hopper qui donne son titre au roman. Lucie s’entiche de l’actrice – ou de son personnage borderline et parricide dans le film no future d’Hopper – au point de s’habiller comme elle (veste en jean, écusson et T-shirt anachronique des Sex Pistols). Mais l’habit ne fait pas le moine, la révolte adolescente n’est plus ce qu’elle était dans un monde confus où tout le monde lui semble conventionnel.
Le roman d’Élodie Issartel (son troisième) est écrit dans une langue véloce, économe, qui sert le portrait vibrant, frénétique de son personnage à fleur de peau, fragile, plein de contradictions et de paradoxes. Une « fille à la manque » pas sûre de ses attraits dans un monde d’apparences en flux constants, qui remâche ses déceptions et dont « l’éclat des yeux sont deux haches qui s’abattent partout où elles le peuvent ». Comme si une implosion permanente menaçait. Ou un désir très fort de vie.

Guillaume Contré

Out of the blue
Élodie Issartel
Éditions Vanloo, 152 pages, 18

Tout un cinéma Par Guillaume Contré
Le Matricule des Anges n°227 , octobre 2021.
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