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Domaine français Peintre de portrait

février 2022 | Le Matricule des Anges n°230 | par Anthony Dufraisse

Poignante évocation de l’artiste disparu Pierre-Marie Ziegler, par sa femme la dramaturge Noëlle Renaude.

P. M. Ziegler, peintre

S’il y a eu, en 2020, un premier roman noir, sous le titre Les Abattus (chez Rivages), l’habitude veut que l’on range depuis longtemps les écrits de Noëlle Renaude au rayon théâtre. Autrice d’une trentaine de pièces, elle signe cette fois un livre d’évocation mémorielle, qu’elle préfère d’ailleurs, assez étonnamment, estampillé roman plutôt que récit. Elle retrace la vie de son mari, le peintre Pierre-Marie Ziegler, qui s’est donné la mort en mai 2013, à 63 ans. S’il est forcément question par moments de leurs quarante ans de vie commune, si elle laisse deviner certains aspects de sa propre histoire personnelle, c’est de lui d’abord qu’elle parle, c’est lui qu’elle expose, pour employer un terme de circonstance, et merveilleusement bien ; son apprentissage viscéral de la peinture, son inadaptation intermittente au monde, sa vie intérieure, le peintre nous devient vite familier et attachant.
On entre dans l’existence de cet homme tout de suite porté par une langue conteuse qui nous fait sentir non pas un destin mais une vocation, attraction à ce point impérieuse pour la création picturale qu’elle se confond tout le temps avec la vie même. « La peinture vint à lui comme un antidote idéal à un monde idéal », écrit Noëlle Renaude, qui n’aura de cesse de nous raconter le trouble plus ou moins contenu d’un homme face au cours des choses. Sans la peinture, sans ce médium, sans cette main et cet œil connectés, aurait-il pu apprivoiser son époque ? L’autrice répond évidemment pas la négative ; cet art seul « l’autorise à aborder le monde. Et à l’absorber ». Le pinceau ou le crayon à portée, toujours, comme un talisman protecteur, « pour se dépatouiller de son pire adversaire, le réel ».
Chronologie et géographie se mêlent ici pour restituer les époques créatives et les lieux de prédilection de P.M. Ziegler. Des premiers barbouillages aux ultimes retouches, de l’atelier parisien au jardin dans la campagne du Loir-et-Cher en passant par les marches en montagne, décors quotidiens et sujets des toiles nous sont restitués – toutes choses nous donnant envie, une fois le livre fini, d’en (sa)voir plus sur l’œuvre de Ziegler. Une œuvre où les arbres ou encore les autoportraits, « obsession totémique », occupent semble-t-il une place de choix, comme autant d’exercices d’un regard incessamment renouvelé. Ces compositions en série disent surtout, sans doute, la tentative de pénétrer toujours plus avant la matière, non seulement voyante mais vibrante, des choses. L’acuité comme ascèse, mettons : « L’acte de création pouvait être juste ça, un enchaînement de rapports qui s’impose pour ce qu’il est, un geste qui ne s’épuise pas, à force d’histoire, de savoir, d’accident et de hasard, et n’épuise et n’épuisera jamais rien. »
Si proche qu’elle fût de cet homme dont elle a partagé si longtemps la vie, Noëlle Renaude sait bien qu’il y avait en lui des angles morts. La vérité d’un être jamais ne se donne toute, quand bien même l’amour croit pouvoir la toucher ou l’accoucher. Méditation d’une extrême sensibilité sur l’acte créateur au fil du temps, ce récit sans pathos qui a pour lui la pudeur et la profondeur ravive aussi, et comment pourrait-il en être autrement ?, les couleurs d’une complicité amoureuse au long cours, les contours d’un vécu commun. On s’est peut-être trompé, au fond, en disant au début que ce livre n’avait pas partie liée avec le théâtre : c’est une scène, comme l’est toute vie de couple, où un homme et une femme se regardent être, chacun parlant un langage particulier, peinture pour lui, écriture pour elle. Même si ici, comme un hommage au langage de l’être aimé, Noëlle Renaude se fait admirablement peintre de portrait.

Anthony Dufraisse

P.M. Ziegler, peintre
Noëlle Renaude
Inculte, 178 pages, 14,90

Peintre de portrait Par Anthony Dufraisse
Le Matricule des Anges n°230 , février 2022.
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