Un livre

Queneau et ses vies de chien

de Dominique Charnay

Editions Grands champs

Les hérauts de la ’pataphysique ont été des hommes à chien : François Caradec a révélé dans le magnifique Nous deux mon chien (Horay, 1983) qui de l’homme ou de la bête est le cerveau, et Raymond Queneau s’est enquis des quadrupèdes poilus tout au long de sa vie. Le bibliophile Dominique Charnay, qui connaît fort bien l’œuvre de ce dernier, nous conte par le menu les affections canines du père de Zazie dans un petit essai aussi touchant qu’informé. Il y raconte en particulier le rôle de Lucky, Aïda, Taï-Taï, trois chiens de race loulou, cocker et Shih-Tsu du Tibet dont le bonhomme Queneau fut le confident et l’admirateur, l’ami en somme, plutôt que le propriétaire. Et il apparaît que toute son œuvre a été marquée par cette engeance aux significatifs silences : il suffit de se remémorer certaines pages, certaines chansons écrites pour Juliette Gréco (« Nicolas, chien d’expérience », mise en musique par Joseph Kosma) pour comprendre qu’il avait trouvé une inépuisable source d’inspiration : « Sans les chiens, Paris n’existe pas. C’est la ville du monde (…) où, non seulement il y a le plus de chiens, mais encore où ils sont le plus chez eux. » Prétendant qu’ils savent traverser la rue en regardant à gauche puis à droite, suivant en cela les recommandations du préfet de Police…
Promenade érudite et plaisante dans l’œuvre, la correspondance et la biographie de Queneau, Queneau et ses vies de chien est l’occasion d’un retour affectueux sur ce personnage cardinal de la littérature du siècle dernier dont les irrévérences joyeuses ne sont pas sans rappeler les tours de chien que fomentent parfois sans malice les cabots de rue ou de salon. « Le chien qui pense/ la patte en l’air/ que pense-t-il ?/ oh ça oh mais ça oh mais ça à quoi pense-t-il ? » Francis de Miomandre avait son caméléon, Queneau aura eu ses chiens.

Éric Dussert

Queneau et ses vies de chien
Dominique Charnay
Éditions des Grands Champs, 112 pages, 12 €