Un livre

Plus personne pour aujourd’hui

de Fabien Maréchal

Editions Réalgar

Le drame s’est produit un jour du mois d’août et tout, depuis, s’est effondré autour de lui. Fin du « petit univers à trois ». L’homme qui perd et sa femme et son fils – jusqu’alors sa « forteresse » intérieure – dans un accident d’avion, comment peut-il leur survivre ? Il souffre dans sa chair de la perte subite de ses êtres chers. Quitter la parisienne rue Mahler (malheur ?) pour se retirer dans un village, c’est pour le narrateur alors comme prendre une sortie de secours en urgence. La campagne, son calme, pour peut-être échapper au souvenir dévorant du quotidien d’avant, en famille, pour faire l’apprentissage de la solitude. Fabien Maréchal, qu’on avait connu si chaplinesque dans Protection rapprochée, son dernier livre en 2017, se montre cette fois autrement plus sombre. Mais pas moins maître de ses moyens. Si perce ici et là, fugitivement, une pointe d’humour c’est, circonstances obligent, sur fond d’absurde ; dans ce récit coule un sang d’encre. « Le cœur saigne à torrent, mais il endure. Le cerveau, lui, nie jusqu’à l’absurde. » Auto-exhortation à reprendre pied – Maréchal ayant judicieusement fait le choix d’une écriture à la deuxième personne –, c’est sous le signe du silence et du retrait en soi que l’endeuillé tente de se reconstruire. « Tu as déjà franchi une étape. Tu as suffisamment apprivoisé ta douleur pour quitter Paris et t’installer ici, perdu sur les coteaux de Peirailles. » Logé dans la tête de ce veuf en peine, comme on le dit d’une âme, on le sent qui essaie petit à petit de se couler à nouveau dans le cours de la vie. La délicate scène finale, quand il se glisse dans l’eau d’un torrent, exprime sans doute ce désir de purification, immersion amniotique ou antisepsie de l’esprit. Par sa lente, envoûtante et émouvante progression, ce texte bref mais dense est une danse avec les ombres. Au milieu de ses fantômes, un homme hanté dépasse son deuil et, à l’aveugle, hésitant, se tient sur le seuil du reste de son existence, à jamais sans les aimés à ses côtés.

Anthony Dufraisse

Plus personne pour aujourd’hui
Fabien Maréchal
Le Réalgar, 73 pages, 11 €