Il est des ouvrages, des essais notamment, qui en explorant un sujet dessinent un portrait en creux de celui qui l’écrit. Il en était ainsi d’Autoportrait en nature morte (Équateurs, 2020). La question lui avait été alors posée (Lmda N°212-213) : « Un portrait en creux, soit, mais, si cela pouvait avoir un sens, un creux fait de bris et dont la forme finale serait elle-même un fragment recomposé, décomposé peut-être… » Avec La Tradition des larmes, Jean-Paul Iommi-Amunatégui s’en vient chez les mystiques enquêter autour du « don des larmes » de la tradition chrétienne que l’on retrouve chez le Catalan Raymond Lulle, le Basque Ignace de Loyola, François d’Assise, Thérèse d’Avila, Jean de la Croix, Savonarole… Le don des larmes s’impose comme une forme de prière offerte par Dieu aux plus méritants, parmi eux se dégagent les figures du Chevalier qui souvent délaisse les armes, du moine et du poète – « leur sueur se change en larmes parce qu’habitants d’une proximité, ils entretiennent avec le Verbe le dialogue de la loi, le privilège de séjourner dans l’attention du sens, l’expérience poétique ». Ces larmes peuvent être aussi des larmes de joie, de fusion avec le divin, le Cosmos. D’une grande érudition, le texte nous fait voyager dans un monde perdu, notre Moyen Âge, où l’homme devant les horreurs du monde et ses vallées de larmes explorait une dimension du sensible inouïe pour fuir le satané statut d’éternel pécheur. Dans la postface très lyrique, l’auteur précise qu’il avait peu pleuré lorsqu’il écrivit le texte, à 20 ans. Puis il est passé de l’eau sous le pont, il connut la gloire littéraire, éminent critique au Matin de Paris notamment, puis la chute avec le suicide de son épouse. Comme si les larmes appelaient les larmes. « Les larmes n’ont pas de sépulture. Eau vive intarissable, elles coulent dans la mémoire en attendant l’écart, le mot ou le silence qui les fera ressurgir… »
D.A.
La Tradition des larmes
Jean-Paul Iommi-Amunatégui
L’Extrême contemporain, 114 pages, 14 €
Essais La Tradition des larmes
juillet 2022 | Le Matricule des Anges n°235
| par
Dominique Aussenac
Un livre
Le Matricule des Anges n°235
, juillet 2022.