Dans ce recueil de quatre textes pour la jeunesse, Mariette Navarro met en jeu des gens « qui ne tiennent pas longtemps assis sur la même chaise » et font partie de la famille des étrangers. Des humains qui voyagent par choix, par nécessité ou par contrainte et font exploser la notion de frontières. L’autrice nous invite au voyage, comme le fait Léna dans La fille d’Ulysse en suivant son père, ou comme le raconte Viktor dans Impeccable : « Je croyais de plus en plus qu’il fallait parler aux habitants, leur apporter des voyages avec les mots, leur dire que c’est important les jambes libres, et la bataille pour que chacun puisse aller vivre où il veut, avec les idées qu’il veut dans la tête. Leur dire qu’il ne faut laisser aucun pays se fermer comme le mien sur lui-même. » Et si le personnage de Viktor est un migrant, son pays ressemble quand même étrangement au nôtre, nous renvoyant en miroir nos enfermements. Mariette Navarro a le talent de nous émouvoir avec ces textes courts. Comme dans Les pieds bleus, le monologue d’une jeune femme épuisée qui marche pour passer une frontière en pleine montagne. Elle rencontre sur son chemin un douanier. La pièce se suspend alors le temps d’une petite éternité, quel choix va faire le douanier ? Celui qui le définira nous dit l’autrice, en laissant la fin ouverte. Il n’y a pas de morale dans ces textes, juste une formidable énergie vitale, le goût du risque et le désir d’altérité. Tout en étant porté par une langue singulière, ciselée.
Comme le dit Fabrice Melquiot dans sa préface, l’écriture de Mariette Navarro est « un poème à l’incandescence douce ». L’autrice nous offre des textes à l’alchimie précieuse. On imagine une jeune femme à l’allure décidée, avec aux pieds « des chaussures inusables pour se planter dans le monde », et en bouche des paroles et des histoires pour réinventer un lendemain désirable.

L.C.

Impeccable et autres pièces aux pieds légers
Mariette Navarro
Quartett, 84 pages, 12 €