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Poches Haut-le-cœur des ténèbres

juillet 2022 | Le Matricule des Anges n°235 | par Jérôme Delclos

Deux versions du récit ou roman d’un sevrage échoué de Malcolm Lowry, à lire ensemble comme on voit double.

Lunar Caustic (suivi de) Caustique lunaire

Avec Au-dessous du volcan, son auteur a reçu sa carte du club très fermé des écrivains baroques, dont sont membres éminents Joyce, Proust, Gadda. Tout comme Ulysse, La Recherche, La Connaissance de la douleur, le roman de Malcolm Lowry est inépuisable par sa surabondance qui en fait un classique : un livre que l’on ne se lasse jamais de lire et de relire, disait bien Calvino. Cette génialité du chef-d’œuvre grève par avance celle de ses satellites. Si bien que l’on fait, d’instinct, la moue devant une quatrième de couverture qui prétend que «  Lunar Caustic est l’autre grande œuvre de Malcolm Lowry, avec Au-dessous du volcan ». Le lecteur n’y retrouvera ni la virtuosité, ni la poésie, ni l’érudition folle d’Under the Volcano, livre torrentiel, qui s’emporte aux limites extrêmes de ce dont, au sommet de son art, un géant de l’écriture est capable.
Mais l’histoire du manuscrit témoigne pour lui. Écrit dès 1934 – l’année de la cure de sevrage qui l’inspira –, détruit par son auteur, récrit, refusé par des éditeurs, repris durant des années, édité une première fois en nouvelle – The Last Address (1942) – puis comme Le Caustique lunaire (1956), et enfin ad posthumum comme Lunar Caustic à partir de ses derniers fragments (1963), le livre aura été sans cesse retravaillé par Lowry. Les deux versions déclinent, à quelques variations près, le récit poignant d’un « lieu de désolation », l’hôpital halluciné en navire, séjour de Bill Plantagenet, l’alter ego de l’auteur. En cure de renonce, la tête de ce pauvre Bill part à la dérive. « Des hommes de plus en plus nombreux, contusionnés, blessés et toujours ivres, que des premiers-maîtres chassaient dans la coursive, tombaient, vociférant, face contre terre, ou bien s’endormaient brusquement sur leurs couchettes. » Survient un docteur qui prend le pouls du nouveau. « Vous sucrez les fraises, constata-t-il  ». Et aussi : « L’alcool… (…) je ne vous cache pas que ça va aussi mal que vous le pensez ».
Toute l’affaire de la cure peut alors commencer, qui consiste à écoper une voie d’eau intarissable, c’est tout à la fois le tonneau des Danaïdes et le radeau de la Méduse, la solitude de Plantagenet dans sa lutte contre l’addiction, et la rencontre heurtée des autres « lunatiques ». Tony Cartano dans son Malcolm Lowry éclaire le sens de Lunar Caustic, ce « titre intraduisible » dit-il. « Le caustique lunaire, c’est le nitrate d’argent que l’on utilise en médecine pour cautériser certaines plaies. Mais l’auteur veut évoquer aussi l’acide clarté de l’astre qui, selon l’antique croyance, influence l’histoire des hommes. (…) Et enfin, lunatic en anglais signifie fou. » Et de fait, c’est bien sur la Nef des fous, où les médecins ne le sont pas moins que les malades, que Bill est embarqué. Entre une très inquiétante représentation de marionnettes, une partie de cartes qui dégénère, un « bœuf » improvisé, et des discussions logorrhéiques et délirantes, le ciel étoilé renvoie à Bill sa souffrance : « Les étoiles qui s’allumaient une à une lui parurent autant de plaies vives dans son être, les multiples dédoublements de son angoisse, cet œil  ».
D’une version à l’autre, la fin diffère de façon notable. Dans Caustique lunaire, Bill sorti de l’hôpital échoue dans un bar sur les quais. Il boit, va aux toilettes, se blesse la main en cassant sa bouteille de whisky contre le mur. Il vomit. Puis de retour dans la salle, une sirène au loin, une discussion au sujet d’un bateau – le Mar Cantabrico – et soudain avec ce nom, bien que sorti tout droit de la rêverie d’un pochetron, étincelle comme l’espoir d’une renaissance, d’un nouveau départ. Dans Lunar Caustic, Bill sorti de l’hôpital échouera encore dans ce « boui-boui à matelots ». Boira, cassera la bouteille. Mais il n’y aura aucun bateau, juste la honte. Il « gagna le recoin le plus obscur du bar où il se tint recroquevillé comme un embryon, soustrait aux yeux de tous ».
Malcolm Lowry a parfois songé à réorganiser son œuvre en un seul livre, un triptyque à la Dante. Ultramarine en aurait été le Paradis, et Under the Volcano l’Enfer. Lunar Caustic ? Le Purgatoire, lieu de la purge. Cet autre enfer.

Jérôme Delclos

Lunar Caustic / Le Caustique lunaire
Malcolm Lowry
Traduit de l’anglais par Clarisse Francillon
Maurice Nadeau, 222 pages, 9,90

Haut-le-cœur des ténèbres Par Jérôme Delclos
Le Matricule des Anges n°235 , juillet 2022.
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