Un livre

L' Art d’être bègue

de Alhierd Bacharevic

Editions Ver à soie

Les éditions du Ver à soie, dirigées par Virginie Symaniec, élaborent de beaux ouvrages artisanaux (textes courts, beaux papiers, encres lumineuses…) qui ne réduisent pas le livre uniquement au statut de bel objet. L’Art d’être bègue saigne, hurle, condamne le fascisme de ces États ex-soviétiques qui jadis se sont battus contre et qui aujourd’hui revêtent les mêmes atours. Alhierd Bacharevič (notre photo), poète, traducteur, natif de Biélorussie a fui son pays depuis que le dictateur Loukachenko a truqué les élections de 2020 et exercé une répression policière. Un de ses romans a été condamné à être détruit en labourant un champ (sic).
La première des cinq nouvelles au titre éponyme relate les difficultés d’un bègue qui ne peut sauver son grand-père du fait de son handicap. Métaphore de l’écrivain que personne n’entend ou qui n’arrive pas à se faire entendre. Les autres textes, « Rêve de culottes courtes en cuir », « Le fascisme comme souvenir » et « Le résistant » évoquent le fascisme rampant, quotidien avec colère mais aussi humour. « Ici un “fasciste”, c’est plus qu’un simple fasciste. Parfois, “fasciste”, c’est aussi une profession. Il faut bien manger son pain d’une manière ou d’une autre. Les fascistes aussi veulent manger. Et les enfants de fascistes pleurent aussi. » Le dernier texte est une lettre adressée aux Ukrainiens, publiée dans un journal de Kyiv en mars 2022. Il y évoque les centaines de milliers de Biélorusses descendus dans les rues sans arme à la main et écrasés dans le sang. Aujourd’hui son pays est instrumentalisé par la Russie pour envahir l’Ukraine, il souffre. « Par conséquent, moi, l’écrivain biélorussien Bacharevič, je suis prêt à prendre sur moi la honte et la disgrâce de la Belarus pour ce qui arrive exactement de la même manière que les écrivains allemands en exil l’ont fait à l’heure de la Seconde Guerre mondiale. »


Dominique Aussenac

L’Art d’être bègue
Alhierd Bacharevič
Traduits du biélorussien par Alena Lapaniova et Virginie Symaniec
Le Ver à soie, 112 p., 14 €