Dans un roman rapide et dense, comme elle a pris l’habitude de les servir, Violaine Bérot se lance bille en tête dans la tourmente qui nous attend selon les hypothèses les plus pessimistes : chaos social avec émeutes, répression et, puis si tout peut encore s’améliorer à ce stade, retour au calme. En imaginant le parcours d’un homme raflé par des hommes armés, battu, retenu prisonnier dans des conditions abominables dans un hangar avec un millier d’autres, elle élabore une fiction qui partirait du sombre SchrummSchrumm de Fernand Combet (Verticales, 2006) pour aboutir aux étrangetés commises par Les Gens de la clairière de Régis Rivald (Buchet-Chastel, 2019) en passant par les contre-utopies de Ravage (René Barjavel) ou de Malevil (Robert Merle).
Le narrateur, cet homme raflé, est un professeur d’université dont les enseignements ont poussé des jeunes gens à la révolte, sans que l’on sache jamais si leur clastique remise en cause du système a abattu capitalisme et État pour permettre la construction d’une utopie ou, au contraire, produit l’exil de ces rebelles. Violaine Bérot interroge le désir de mutation sociale, la capacité de résister à la violence, l’appréciation de son propre état d’abattement et de ses faiblesses face à l’autorité, puis, toujours dans l’ignorance des conséquences des événements dont on devine seulement la portée, le goût de l’autre et le désir d’être ensemble.
Construit en paragraphes qui démarrent par une conjonction comme « or », « donc », etc., le roman en forme d’introspection d’un homme désemparé prend les allures d’une explication sociologique méthodique. Et elle l’est, au fond, en prenant comme point d’appui cette sentence : « de ce qu’il adviendra, aucun de nous ne pourra se plaindre », et en concluant, avec une lucidité que l’on aimerait plus répandue, que le ciment de la société c’est la joie. C’est plus beau là-bas est probablement l’un des livres de notre époque qui exprime le mieux notre désarroi, notre désir de changement et ce qui devrait être notre but collectif.
Éric Dussert
C’est plus beau là-bas
Violaine Bérot
Buchet-Chastel, 122 pages, 14,50 €
Domaine français C’est plus beau là-bas, de Violaine Bérot
septembre 2022 | Le Matricule des Anges n°236
| par
Éric Dussert
Un livre
C’est plus beau là-bas, de Violaine Bérot
Par
Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°236
, septembre 2022.