Quand Guillaume déclare à la juge que son père a un comportement déviant, on lui répond que c’est normal pour un père de laver son enfant. Mais quand il s’habille comme une fille, a des crises d’angoisse, on l’envoie dans un foyer, puis dans un hôpital psychiatrique. Il rejoint les figures tutélaires du roman d’aventures et de l’enfance brisée, avec Antoine Doinel dans les Quatre cents coups de Truffaut, ou Ludovic dans Les Noces barbares de Queffélec. Ici aussi, c’est la ferveur, la passion du personnage principal qui font toute la puissance de l’histoire. Ici aussi c’est le refus des conventions, le choix de l’amour envers et contre tous, un mélange d’idéal et de rêve qui se brise sur le mur des adultes. Guillaume aime sa mère plus que tout, lui pardonne et voit en elle la meilleure des mères : « (Elle) m’avait élevé dans la modernité (…). J’étais une sorte de pape à qui l’on offrait ce qu’il demandait, quand des connasses lui soufflaient Pourquoi tu lui achètes des jouets de fille. » Cet amour sans fond, il va le projeter sur tous les garçons qu’il rencontre, jusqu’au jour où Clément arrive à l’hôpital. Il sera son Grand Meaulnes.
Ils vont tuer vos fils va et vient entre des huis clos – foyer, hôpital – et extérieurs, lieu de fuite et parfois de perdition. Enfermement et liberté, passé et présent, donnent au livre un rythme soutenu, de tension et d’apaisement. Ainsi va l’écriture de ce premier roman où les mots courent, crus et poétiques à la fois. Guillaume aspire au repos, que seul l’hôpital lui offre – « Je me sentais vieux mais heureux. J’aurais pu mourir comme ça, loin des emmerdes. » Mais les visions cauchemardesques, « Le chevreuil (…) lançait que j’étais un petit con de pédé (…) », l’aveuglement et l’incapacité des adultes à l’accompagner dans sa quête identitaire, ferment peu à peu toutes les portes. Seule demeure, libre et sans filtre, pleine d’acuité et de force, une langue qui nous transporte et nous ouvre grands les chemins de l’amour et de la liberté.
Virginie Mailles Viard
Ils vont tuer vos fils
Guillaume Perilhou
Éditions de l’Observatoire, 157 p.ages, 17 €
Domaine français Ils vont tuer vos fils
septembre 2022 | Le Matricule des Anges n°236
| par
Virginie Mailles Viard
Un livre
Le Matricule des Anges n°236
, septembre 2022.