Entre radiographie de la crise du mâle blanc occidental et comédie slapstick, Confessions à un ficus est un premier roman enlevé qui touche juste. Son (anti)héros, Geoffroy, que l’on découvre à la première page du livre coincé dans un ascenseur (tout un programme), travaille dans une entreprise d’emballage avant d’en démissionner pour mieux se lancer, suite à un concours de circonstances, dans le théâtre d’avant-garde. Pâlichon, gras du bide, indécis, il passe sa vie à être bombardé de discours et préceptes : ceux de son patron, le jargon entrepreneurial ; ceux de son psy, le docteur Somme, qui malgré son nom ne lui prescrit pas les somnifères dont il aurait grand besoin ; ceux de la metteuse en scène de la pièce dans laquelle il joue le rôle du fils (elle est obsédée par la nudité de ses acteurs) ; ceux de Carmen, l’amie bouddhiste de son ex-femme. Geoffroy possède « un sens immédiat du banal, de la fadeur », il y a en lui « une densité creuse, une présence absente ». En bon zéro pointé, il a un frère qui est tout ce qu’il n’est pas : riche, séducteur, arrogant. C’est peut-être ce contraste cuisant qui l’incite à désirer « vivre à l’air libre et non dans un sous-terrain comme un lombric ». Plus facile à dire qu’à faire naturellement, quand on est du genre à se noyer dans un verre d’eau.
L’écriture de Catherine Logean est tout en finesse : si son personnage est caricatural – impossible d’être aussi timide, aussi maladroit, aussi gris –, il n’en attire pas moins notre sympathie. Logean, en réalité, ne prétend pas tant établir un diagnostic des maux de la société contemporaine (une tâche qu’elle laisse à des écrivains plus prétentieux) qu’à trouver la manière de faire rire avec un personnage repoussoir sans tomber dans la moquerie trop facile. Car la nullité de son Geoffroy est évidemment la nôtre et, comme lui, nous nous débattons pour ne pas rester coincé dans l’ascenseur de la vie.
Guillaume Contré
Confessions à un ficus
Catherine Logean
L’Arbre vengeur, 212 pages, 17 €
Domaine français Confessions à un ficus
septembre 2022 | Le Matricule des Anges n°236
| par
Guillaume Contré
Un livre
Confessions à un ficus
Par
Guillaume Contré
Le Matricule des Anges n°236
, septembre 2022.