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Poches Beau comme un bijou barbare

octobre 2022 | Le Matricule des Anges n°237 | par Jérôme Delclos

Anti-roman, livre manifeste, feu d’artifice d’hystéries esthétisantes, À rebours est une tentative de suicide par la beauté et le plaisir. Fiévreux, byzantin et sardonique à souhait.

Œuvre déconcertante, livre stupéfiant, extravagant et désopilant selon Maupassant, À rebours (1884) ralliera des esprits aussi différents que Mallarmé, Valéry ou Oscar Wilde. Désirant fuir le naturalisme des Sœurs Vatard, d’En ménage et d’À vau-l’eau, Huysmans dira plus tard qu’il avait eu le désir de « supprimer l’intrigue traditionnelle », de « briser les limites du roman », de « faire à tout prix du neuf ». Et le fait fut qu’on n’avait jamais rien lu de tel.
Lassé par la vie mondaine, tenant en horreur le monde contemporain, revenu de tout, écrasé par le spleen, des Esseintes, le héros de ce roman, est l’ultime rejeton d’une lignée éteinte, un esthète décadent qui a décidé de se retirer à Fontenay-aux-Roses pour y aménager une thébaïde luxueuse, un lieu où se réinventer une existence à rebours de la modernité régnante, de la nature et du sens commun. Refusant toutes les valeurs – il est anti-classique, anti-démocrate, anti-morale – il va l’habiller, l’habiter, en faire un « rêvoir » où il pourra satisfaire ses désirs et vivre selon le principe de plaisir.
Chaque chapitre expose ou détaille les inventions excentriques que des Esseintes imagine pour satisfaire sa sensibilité artiste et affirmer sa singularité. Il fait « relier ses murs comme des livres » avec du maroquin, aménage sa salle à manger en cabine de navire et façonne sa chambre en cellule monastique. C’est qu’il découvre dans l’artifice un dérivatif au dégoût de la vie. « L’artifice lui paraissait la marque distinctive du génie de l’homme. » Un goût qui lui fait singer les fleurs véritables par des fleurs factices avant de vouloir des fleurs naturelles imitant des fleurs fausses ; qui le conduit à voyager sans se déplacer, à substituer le rêve de la réalité à la réalité même ; qui l’amène à concevoir des meubles dont « les tortillements du bois et du cuivre » imitent les « contractions » du plaisir de la femme, les « volutes de ses spasmes » ; qui lui fait glacer d’or, et orner de pierreries la carapace d’une tortue afin de l’harmoniser aux couleurs de son tapis. Un penchant pour l’inversion et l’expérimentation diabolique qui lui fait voir dans les locomotives « un être animé et factice » qui vaut amplement la femme au point de vue de la beauté plastique, et qui trouve son apothéose dans le « lavement nourrissant », une façon invertie de se nourrir en supprimant la corvée du repas.
Ces élans vers un univers inconnu, une béatitude lointaine, des Esseintes nous les donne à partager à travers le flux d’une pensée soutenue par le désir et alimentée par le fantasme. Une quête d’exception qui le porte à aimer l’art de Gustave Moreau ou d’Odilon Redon, à se faire le promoteur d’œuvres qui dépeignent en couleurs somptueuses « les vices d’une civilisation décrépite ». À aimer Baudelaire, Mallarmé, Verlaine, Villiers de L’Isle-Adam, Barbey d’Aurevilly, Edgar Poe…, autant de pages qui sont des leçons de littérature.
En cherchant ce qu’il est à travers une existence aussi artificielle des Esseintes ne pouvait qu’accéder à la conscience nue de son état misérable, si bien qu’à terme, il n’aura le choix qu’entre « les pieds de la croix et la bouche d’un revolver » (Barbey d’Aurevilly). On sait que Huysmans choisira la croix après un détour par le satanisme et l’occultisme.
Livre sur rien, succession de morceaux de bravoure, À rebours ne tient que par la force interne de son style, la volupté langagière d’une écriture s’abandonnant à l’exaltation de substituer au corps défaillant de des Esseintes, un corps de phrases belles comme des bijoux barbares.

Richard Blin

À rebours
J.-K. Huysmans,
Nouvelle édition de Pierre Jourde
Folio classique, 592 pages, 8,90

Beau comme un bijou barbare Par Jérôme Delclos
Le Matricule des Anges n°237 , octobre 2022.
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