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Poches Le phare des grands tourments

mai 2024 | Le Matricule des Anges n°253 | par Thierry Guinhut

Avec La Tour d’amour, la romancière Rachilde se lança dans des aventures maritimes décadentes. D’une terrible beauté.

La Tour d’amour

Vénéneuse impénitente, féline orgueilleuse, Dame et homme de lettres, telle apparut, à la fin du XIXe siècle, un étrange météore, une fascinante et inapprochable harpie, un hybride scandaleux, dont la plume empruntait aux ailes d’Éros un délicieux venin. Marguerite Eymery, dénommée Rachilde, avait lu Baudelaire et ses lesbiennes « Pièces condamnées », les poètes maudits et les écrivains décadents. Son emblématique roman de 1884, Monsieur Vénus, (L’Imaginaire, 2022), qui paraît la même année qu’À rebours de Huysmans, attire les curieux d’orchidées anthropophages autant que nos contemporaines, le titre disant assez l’inversion sexuelle qui choqua son temps. Ce qui ne l’empêcha pas d’épouser Alfred Valette, éditeur du Mercure de France, dont elle devint l’icône du salon littéraire. Unique en son genre, elle publie à tour de bras. Une Virginité de Diane en 1886, sa Marquise de Sade l’année suivante, une Madame Adonis en 1888. La dimension fantastique affleure en outre avec Le Démon de l’absurde (1894) et La Princesse des ténèbres (1896). Elle rejoint ensuite le genre du roman de mœurs avec Les Hors nature ou Le Meneur de louves. Outre un recueil de poésie, Les Accords perdus en 1937, elle enrichit sa palette avec des essais, dont Portraits d’hommes et Alfred Jarry ou le Surmâle des lettres. Son dernier roman, Face à la peur, est en 1942 un tantinet autobiographique…
Peut-être son ouvrage le plus célèbre est-il La Tour d’amour, une histoire située sur le phare breton d’Ar-Men, au large de l’île de Sein, « tout entouré des crachats de l’Océan », au milieu de récurrentes tempêtes meurtrières. Un huis clos met en scène Jean Maleux, narrateur pour l’occasion, affecté à son premier poste et le gardien vétéran, Mathurin Barnabas, avec qui il faudra lutter sans cesse pour maintenir le feu : « On tenait la chandelle aux navires ». Alors que Jean est assailli de rêves érotiques convoquant une « Mauresque », connue à Malte parmi sa carrière de marin, la « brute » mutique qui ne sait plus lire, dévouée à son travail, marmonne parfois d’étranges chants d’amour… Jusqu’à ce qu’à l’occasion de l’échouage d’un bateau Jean découvre l’étrange passion de son confrère et maître.
Comment cette tour solitaire au milieu des éléments pourrait-elle être une « tour d’amour » telle que chantée par Mathurin ? Non, il ne s’agit ni d’onanisme, ni d’homosexualité, mais de mortes échouées. La gouaille du narrateur fait peu à peu place à l’inquiétude, puis au tragique effroi.
La belle morbidité de la chose fit – une fois de plus – scandale lors de la parution en 1899 : « Tous ces cadavres tourbillonnaient autour de moi, maintenant à m’en donner le vertige. Ils n’en passaient plus, et je les voyais encore, les uns la bouche ouverte pour leur dernier appel, les autres les yeux fixés à jamais sur leur dernière étoile. Ils allaient, allaient par troupe, par file, deux à deux, six ensemble, un tout seul, tout petit comme un enfant, et ils ressemblaient à une grande noce qui s’éparpille le long du dernier branle du bal ». La puissance poétique de ce roman fascine d’autant que la prose est d’une sensualité sourde, bientôt déchaînée, soit un véritable fleuron du décadentisme.
Roman fort réaliste, voire sociologique, étudiant une profession, un milieu, La Tour d’amour n’en flirte pas moins avec les fantasmes et les perversions les plus troubles de l’humanité, avec les ombres profondes et fantastiques de la psyché humaine. L’écriture, puissante et suggestive, presque expressionniste, ne lâche pas son lecteur.

Thierry Guinhut

La Tour d’amour,
Rachilde
Points, 192 pages, 11

Le phare des grands tourments Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°253 , mai 2024.
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