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Théâtre Saveurs amères

octobre 2022 | Le Matricule des Anges n°237 | par Patrick Gay Bellile

Le texte de Gauz’, débordant d’énergie, retrace la colonisation de son pays, la Côte d’Ivoire. Naissance d’une nation chocolat.

Cocoaïans (Naissance d’une nation chocolat)

Voilà racontés la conquête de la Côte d’Ivoire par la France et le capitaine Jean-Baptiste Marchand, « l’oublié des livres d’histoire » ; puis l’époque coloniale et ses premiers résistants ; l’indépendance ensuite, en 1960, indépendance en trompe-l’œil puisque les ficelles n’ont pas été changées et que ce sont toujours les mêmes mains qui les tirent ; la période contemporaine, difficile et bousculée ; et même un avenir assez proche, 2031, où l’on verra le monde « plier sous le diktat des cartels des Cocoaïans ». Car d’aucuns pourraient rêver que le chocolat soit pour la Côte d’Ivoire ce que fut la cocaïne pour la Colombie. Racontés aussi les rapports économiques entre l’Occident et les anciennes colonies vus à travers l’histoire exemplaire du chocolat dont la Côte d’Ivoire est un très gros producteur. Et cette question qui revient souvent et pose clairement les rapports de domination entre Etats : pourquoi et comment la Côte d’Ivoire fournit le cacao tandis que d’autres en font du chocolat et engrangent les bénéfices ?
Cocoaïans nous entraîne, entre la fin du XIXe siècle et aujourd’hui, dans une épopée tout à la fois historique, économique et politique. Celle-ci est racontée dans une langue joyeuse et virevoltante, qui sait prendre de la distance avec les faits et n’hésite pas à convoquer l’humour et la dérision dans une affaire pourtant grave, dont l’esclavage, le racisme et le cynisme des individus constituent une toile de fond toujours présente et menaçante. Mais revenons au commencement. Gauz’, romancier, scénariste, réalisateur et photographe entre autres est un auteur ivoirien installé à Grand-Bassam en Côte d’Ivoire. Un ami lui dit un jour que « Nous serions en train de parler d’autre chose si nous étions les premiers producteurs de chocolat plutôt que de cacao. » Et Gauz’ de conclure : « Mon voyage au pays des Cocoaïans a commencé là »
La pièce débute par la mainmise du colonisateur sur cette terre qu’il va transformer en un immense champ de cacaoyers, ces arbustes venus d’Amérique du Sud et qui trouvent en Afrique un climat tout à fait propice. Les acteurs de cette épopée sont présentés dès le début, comme sont présentés les joueurs d’une équipe avant le match : d’Amakhon Dié dont le grand-père a tué le lieutenant Poulle, à Djaha le jeune rebelle qui finira par accéder au pouvoir, et dont la trajectoire ressemble à celle de l’ancien président Houphoüet-Boigny… De grandes palabres les rassemblent, eux que la colonisation questionne. Car cela parle beaucoup dans Cocoaïans. Cela parle même tout le temps, et c’est le plaisir du lecteur que d’assister à ces échanges toujours vifs et imagés, assortis d’appels aux diverses divinités et de sentences toujours bien senties : « Il est imprudent de faire la sieste à côté d’un homme qui vient d’apprendre à enterrer les morts. » Les personnages s’apostrophent, s’engueulent, et s’en prennent même à Roald Dahl, le célèbre auteur pour la jeunesse : « Dans le livre Charlie et la chocolaterie, les Oompas-Loompas travaillent nuit et jour pour faire marcher l’usine. Ils sont même pas payés. Ça ne te rappelle rien ? (…) Eh bien les Oompas-Loompas d’aujourd’hui, c’est Gran’Pa et tous les gens du village. Les Willy Womka, ce sont Nestlé, Mars et toute la bande. » La parole se fait dans une langue toujours adressée, une langue orale, écrite pourrait-on dire, une oralité rythmée, scandée, qui ne recule pas devant les répétitions, les mots repris par tous, les chants, les danses, et une verve toujours en mouvement, car : « Dans un pays où la parole est musique et la musique est parole, qui s’étonne d’un pas de danse après un discours. » Un très beau récit dont l’auteur a su trouver le juste équilibre entre la grande et la petite histoire, entre la vie quotidienne de personnages hauts en couleur et la naissance d’une nation.

Patrick Gay-Bellile

Cocoaïans (Naissance d’une nation chocolat)
Gauz’
L’Arche, « Des écrits pour la parole », 110 pages, 14

Saveurs amères Par Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°237 , octobre 2022.
LMDA papier n°237
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